Salut à tous,

Donc, t’as loué une pinasse pour descendre le Niger de Tombouctou à Mopti soit 3 jours et 2 nuits.

Tu ne sais pas à quoi vous pensez quand on parle d’une pinasse, toi, tu t’attendais à une sorte de pirogue. En fait c’est quasiment une péniche : elle fait 25m de long sur 3m de large. On peut tenir à 25 dedans sans problème. Il y a même une sorte de toit ou tu peux t’allonger quand il ne fait pas trop chaud.

Faut que je vous décrive précisément la pinasse car c’est important vu ce qui s’est passé…suspens…

A l’avant il y a ‘le poste de pilotage’ où un des gars dirige la pinasse, il est assis sur un banc et tiens une sorte de barre.

Puis, il y a la plus grande partie qui consiste en fauteuils, tables, à l’arrière puis la cuisine avec le cuistot. Je préfère ne pas décrire la cuisine… puis vient le moteur diesel avec le chef mécanicien et en fin tout à l’arrière une sorte de cahute en bois où tu peux faire tes besoins… Oui, on ne va pas s’arrêter donc les toilettes sont prévues. Donc quand même, assez spacieuse la pinasse.

Donc premier jour, on part très tôt le matin, on s’arrête prés d’un petit village qui a un four à pain pour manger du bon pain chaud, puis on stoppe prés de pécheurs pour acheter du poisson frais. Le cuistot vide les poissons, les écaille et les met sur le toit en plein de soleil mais comme on avance il n’y a pas trop de mouches.

Toi de ton coté, t’es affalé sur un banc, à regarder les paysages, les petits villages Bozos de pécheurs, parfois des hyppos. On joue aux cartes avec ton guide. Enfin, la belle vie.

Un petit point important quand même, la pinasse prend l’eau et la pompe ne marche pas très bien donc le mécanicien a un peu les pieds dans l’eau et il écope de temps en temps.

Ah oui, la sécurité : On a effectivement des gilets de sauvetage à moitié explosés et attachés aux poteaux qui tiennent le toit. Il faudrait au moins 15 minutes pour les détacher, largement le temps de se noyer 2 fois.

Et donc, premier jour, en début de soirée, il y a un petit passage où il faut faire attention. Le niveau du fleuve étant assez bas, il y a qqs rochers qui dépassent et on y arrive juste au moment où il fait nuit. Pas de pb on s’y engage quand même. Et là, vous vous dites, ca y est le Ricardo va cogner un rocher. Et bien non, on passe sans problème mais on continue à naviguer de nuit. Le barreur te demande si on peut continuer jusqu’au village de Nifounke pour y passer la nuit. Ok pas de problème et pendant une heure on navigue de nuit, c’est à peine si on distingue les berges dans le noir. Arrivé au village, je monte la tente et je dors. Sauf que le village étant très proche, tout la nuit, le bruit de motos, au matin, le coq, l’âne, les chiens… En clair, nuit très courte.

Donc le lendemain, tu dis aux gars, ce soir hors de question qu’on dorme dans un village, on s’arrête au milieu de nulle part pour une nuit paisible et le lendemain matin on ira voir des bergers Peuls pour leur acheter du lait frais. La journée passe calmement comme la veille. On navigue sur le lac Debo dont on ne voit pas les rives.

Ah oui, ton guide Dogon ne sait pas nager et n’est pas très rassuré.

Arrive la tombée de la nuit et le barreur te dit qu’on va encore un peu naviguer. Tu t’allonges tranquille sur un banc avec ta polaire car il fait un peu frais. Profites mon gars, ca va  pas durer….

Vers 19h30, à moitié endormi, gros choc à l’avant de la pinasse, puis tu  vois arrivé sur toi le bord d’une autre pinasse qui vient taper fortement notre pinasse. Le guide qui a trouille de l’eau fait un bond et s’accroche à ce qu’il peut. Toi tu fonces à l’avant de la pinasse pour voir le barreur. L’avant de notre pinasse n’existe plus, plus de banc, plus de barre, plus de barreur, plus qu’un gros trou. Tu te retournes, tu vois de la fumée à l’arrière et là tu te dis, la cuisine s’est renversée et on prend feu donc tu fonces à l’arrière mais là tout va bien, c’est simplement la fumée du moteur de l’autre pinasse. Du coup tu retournes à l’avant et là (t’avais ma lampe frontale), tu vois le barreur sur la rive dégoulinant de boue. On s’arrête sur le bord du fleuve et là les gars constatent les dégâts : Nous, plus d’avant, plus de moyens de gouverner et les autres un trou au dessus du niveau de flottaison. Les mecs s’engueulent comme quoi l’autre pinasse n’était pas éclairée. On est au milieu de nulle part mais plein de gens arrivent, soit à pied, soit en pirogue. On est le hot spot du coin. Tu te dis que vu l’état de la pinasse, on n’est pas prêt de bouger, donc tu prends tes affaires et tu montes ta tente à 100m au calme, pas la peine de se mêler à leur histoire de toute façon tu comprends rien à ce qu’ils racontent. Entre temps, coup de chance, on est dans un endroit qui capte et les  »pinassiers » appellent le parton de la pinasse pour savoir quoi faire. Une fois que t’as bien monté la tente, on me dit que finalement, on va s’accrocher à l’autre pinasse et qu’on va descendre sur Kouna, le plus proche village où passe la route.

Donc ils attachent notre pinasse à la leur et on commence à descendre, mais on n’a plus d’avant, donc ca prend l’eau, qui passe sous le pont et donc à l’arrière ca écope dur! A un moment, notre pinasse qui était mal fixée se détache de l’autre dans un grand bruit. Ton guide fait un bond prêt à monter dans l’autre pinasse qui est en meilleure état. Il vient te voir pour te demander des chewing-gums pour ne pas s’endormir… T’as oublié de préciser que sur le fleuve quand la nuit tombe, on se pèle.

On a mis 4 heures pour rejoindre le village. Arrivée à minuit. Une voiture nous attend pour nous ramener sur Mopti. Arrivée à Mopti à 1h00 du matin.

Toi qui pensais passer une nuit tranquille au milieu de nulle part, sacrée soirée.

Alors, c’est sûr, vous vous dites, Richard nous a déjà fait le coup, il nous mène en bateau (pas mal!!). C’est encore du pipeau. Et bien…non c’est la vérité.

Je vous écris de Bamako, tu viens de passer 10 heures dans un bus pour faire Mopti-Bamako, une horreur. C’est certainement le dernier email à moins que dans ces 2 jours, il t’arrive encore un truc.

Ah oui, t’oubliais : t’as vu sur la route des groupes d’enfants de 6 à 14 ans qui portaient des sacs, des marmites et qui étaient accompagnés par des hommes qui eux ne portaient rien. Les hommes sont des marabouts, des religieux musulmans qui apprennent le Coran aux enfants. C’est un peu comme chez nous à une époque, on donnait un fils à l’église. Ici, c’est un peu différent, les marabouts récupèrent les enfants dans la région de Gao et descendent à pied jusqu’à Bamako (vous regarderez une carte pour vous donner une idée du trajet). Ils doivent mendier sur le chemin et on leur apprend à répéter des sourates. Sauf que parfois, les marabouts vont jusqu’en Cote d’Ivoire pour vendre les enfants dans les mines ou les plantations. No comment!!!!

Qqs mots sur Bamako : Super polluée, impossible de circuler dans les marchés tellement il y a du monde.

Ricardo le pinassier du dimanche