Salut, un petit message de Sambu, un village dans le Darien, la région la plus reculée du Panama, proche de la frontière colombienne. T’as  cherché Ingrid, pas encore trouvé…

Il faut être motivé pour arriver jusque là, mais on t’a passé une commande de masques Embera…

Déjà pour venir, tu prends un petit coucou de 10-12 places. Les pilotes n’avaient pas tiré les rideaux donc tu pouvais voir ce qui se passait dans le poste de pilotage, ça lisait le journal. L’avion fait plusieurs arrêts dans différents villages. Au premier arrêt, à Garanchiné (Caroline, si tu trouves ce village sur ta carte, je te paye un le billet d’avion pour faire ce trajet), t’as l’impression qu’on va se cracher tellement le pilote prend de l’angle et surtout, tu vois tout à travers son cockpit. Le gars à côté de moi s’est signé plusieurs fois. La piste d’atterrissage (si on peut appeler ça une piste) est plein d’herbe. Qqs personnes descendent, on décharge 2-3 cartons, on embarque 2 vieux, ton voisin se signe à nouveau et on repart. Mais comme le prochain arrêt n’est qu’à 10 minutes de vol, on reste très bas, très très bas…On est secoué dans tous les sens et tu te dis qu’au moindre gros trou d’air, c’est bon, on est planté dans la jungle. Mais finalement t’arrives à bon port, Sambu. T’as aucune info dans ton bouquin en terme d’hébergement ou quoi que ce soit, à part le fait que t’es au trou du cul du monde et que ça va pas être simple. Coup de pot monstrueux, le mec à côté de moi, le seul étranger, est le propriétaire du seul lodge (en fait, une baraque en bois) au prix de 125$ la nuit. Mais il connait du monde et comme tu ne voulais pas mettre ce prix, il t’a mis en contact avec un local qui a une chambre super correcte pour 10$. Sinon, tu serais encore en train de chercher. A l’arrivée, du dois te faire connaitre de la police et dés que tu t’écartes du village, il faut les prévenir. Mouais, en cas ou tu te perdrais….

Sambu, c’est un petit village prés d’une rivière où vivent dans une partie du village les indiens Emberas. Il y a qqs maisons, 2 minuscules restaurants (pas sûr que ça soit le terme le plus adéquate), environ 500 habitants et un bar discothèque où la bière coule à flot, c’est certainement le gars le plus riche de la région. La bière coûte moins cher que l’eau en bouteille et comme il fait super chaud et très humide, t’as soif.

T’es entouré de jungle. Il reste des maisons traditionnelles avec toit de palmes. Toutes les maisons sont sur pilotis car en période de pluie, qui devrait être maintenant, la rivière déborde et les maisons proches de la rive sont lentement détruites. Les anciens portent encore les tenues traditionnelles qui consistent en un simple paréo autour de la taille et des tatouages mais la plupart sont en t-shirt maintenant.

Toujours grâce au gars, t’as trouvé un guide Embera pour aller faire un tour dans la jungle. Donc, d’abord tu prends un canoë pour traverser la rivière et tu t’enfonces dans la jungle. Le gars t’explique, que même s’il est un Embera, comme il ne vit pas dans la réserve, il n’est pas autorisé à emmener des touristes dans la réserve, sinon il aura des pbs avec la communauté. (pour info, son frère, pour des raisons politiques, s’est accroché avec le calcique du village, il a été empoisonné. Il a été emmené à Panama City mais a refusé la médecine occidentale et le temps de trouver un guérisseur, il est mort. Ça ne rigole pas dans le coin). Donc, le gars est en train de t’expliquer qu’il ne peut pas aller partout avec un touriste et juste à ce moment, en pleine jungle on entend au loin des voix. Tout de suite, le guide te fait reculer et t’accroupir dans l’herbe et, véridique, il te dit ‘guerillero’. Putain, on est sensé être loin des régions tenues par les Farcs. Ingrid, garde moi une place, j’arrive. Prévenez Sarko!

Un groupe s’approche en marchant dans la rivière, mais ce qui te rassure, c’est qu’à travers les herbes, tu vois des vêtements très colorés. C’est pas le genre des guérilleros de porter de l’orange ou du rouge en pleine jungle.

On les a laissé passer sans qu’ils nous voient. En fait, c’était un groupe d’un autre village qui simplement remontait la rivière et ce con de guide a voulu rigoler. (Adnana, t’as encore raté ton coup).

T’étais sur un super plan. T’as fait la connaissance du padre Hector, un missionnaire de je ne sais quel église (il y a 500 habitants pour 5 églises différentes, c’est la compétition). Il devait remonter la rivière très en amont pendant 3 jours pour aller recenser des villages et c’était ok pour que tu viennes avec lui mais manque de pot, ça te fait revenir trop tard et tu n’auras pas forcement un moyen rapide pour retourner sur Panama City. C’est con, je suis sûr que ça aurait une expérience incroyable.

Du coup, ce soir, tu retournes avec ton guide, de nuit dans la jungle (à condition qu’il ne pleuve pas) remonter la rivière pour ramasser des crevettes.

Et en théorie demain, tu prends une panga (canoë à moteur) pendant 2 heures pour revenir dans la civilisation. Tu dis en théorie car ici les transports…

Pour info, tu viens d’écrire cet email du milieu de la jungle. Tout autour de toi, ce sont des maisons sur pilotis avec pour la plupart des gens qui ne sont jamais sortis de leur village, mais pour des raisons politiques et pour aider les autochtones à s’ouvrir sur le monde extérieur, il y a une liaison satellite assez rapide et 10 PC. Par contre, il y a simplement une cabine téléphonique au milieu du village et tu as tout le temps la queue.

Ricardo el pseudo guerillero

Ricardo el pseudo guerillero