La région du Sepik est considérée comme un lieu très spécifique en Papouasie, le grenier des arts papous. Elle est traversée par le fleuve Sepik bourré de crocodiles et les habitants des villages ont des rituels de scarification pour avoir une peau comme celles des crocodiles. Donc plutôt que de trop galérer, tu te dis que tu vas te prendre un guide, Albert.

Rien que le premier jour a été un cauchemar. Un minibus est sensé venir te prendre à 11h du matin, cool tu vas lézarder au bord de la plage. Il se pointe à 7h30 du matin. Cool, tu te dis qu’on va arriver plus tôt. Mais non, le bus va en ville car on doit charger de la marchandise vers 11h (ils auraient pu venir te prendre après le chargement mais bon, no comment). A 11h, on n’a toujours pas bougé, ils attendent le propriétaire du chargement de bières. Connaissant un peu le pays, tu te dis que c’est mal barré, donc tu stresses le guide pour qu’il trouve une autre bagnole. Il en trouve une mais elle va être pleine donc on pourra pas monter. Il en trouve une autre qui est en train de charger mais tu ne sais pas quand elle aura finie. Entre temps les gars disent qu’ils viennent d’avoir le papier pour aller charger la bière. Donc tu repars avec eux sur les quais mais il est midi donc c’est fermé jusqu’à 13h. Donc les gars te ramènent à l’autre bus qui était en train de charger mais entre temps il est parti. Un cauchemar, je vous dis. Donc retour au point de départ. Le guide reconnait quelqu’un. On discute et il a un mini bus qui doit bientôt partir directement. 30 minutes il n’est toujours pas arrivé. Finalement il est là. Tu montes mais on ne part pas. Le chauffeur fait le tour du patelin, histoire de ramasser des passagers. Enfin, on part mais il va dans plein d’endroits différents pour aller chercher les affaires (sac de riz et autres trucs) des passagers et ça prend un temps fou. Il est 14h30. Finalement ca y est, tout le monde est enfin prêt. T’y crois mais non, on repart sur le quai faire le plein de barils d’essence et ca va prendre encore un temps fou. Et qui tu vois sur le quai, le premier minibus qui apparemment n’a pas trouvé le chargement de bière et qui donc part. Donc tu rechanges à nouveau de bus. T’es le blanc, t’es assis à côté du chauffeur et tu l’entends demander à un gars s’il refait un tour de ville pour ramasser des gens. Vu la gueule que tu tires, ils n’ont pas insisté.

A la tombée de la nuit, tu arrives enfin à Maprik où tu as réservé une voiture pour t’amener dans le petit village Kominibis. La voiture tu l’as croisé en sens inverse, remplie de personnes et le chauffeur t’as demandé de l’attendre 40 minutes. Comme t’en as vraiment plein le cul, le guide trouve une autre bagnole pour t’emmener au village et tu penses que ca va être bon cette fois. Mais ce con de chauffeur, à moitié bourré, s’arrête au milieu du chemin et te demande une somme exorbitante pour continuer. Véridique!!! Aprés discussion, il t’emmène au village. Putain de journée. Faut espérer que les autres jours seront mieux!!!!

Le lendemain, la voiture que tu as réservée est bien là et tu arrives en fin au bord du Sepik où miracle, la pirogue réservée est bien là. T’as un baril de 200 litres d’essence au même prix qu’en France. Ca va revenir cher cette histoire. Le bord du Sepik est parsemé de petits villages dont la plupart ont gardé leurs coutumes ancestrales malgré la présence de missionnaires de toutes sortes. T’as les cathos, les évangélistes des nouvelles tribus, les adventistes…

Dans les villages, tu as des « maisons des esprits » réservée aux hommes initiés (ceux qui ont subi les scarifications). L’initiation peut durer jusqu’à un an où les adolescents restent enfermés dans la maison. A l’intérieur, ils gardent les sculptures et la ‘chaise’ qui contient l’esprit. Les poutres des maisons sont sculptées et peintes. Il y a d’énormes sortes de caissons sculptés qui servent de percussion, d’immenses flutes de bambous. T’as bien du aller dans 30 villages, la plupart du temps, c’est « white man » quand c’est pas les enfants qui pleurent ou qui s’enfuient.

Il y a 15 jours t’as croisé un français expert de la Papouasie et il t’a filé un super plan, Bisario un village très reculé où il compte aller l’année prochaine. Plus de 8 heures de pirogue pour y aller, tout en haut d’un des affluents du Sepik. 8 heures ça fait long assis dans la pirogue alors tu bouffes des bananes, de la cane à sucre, le fruit du chocolatier, tu bois de l’eau de noix de coco (il y a pas le choix, il y a pas d’eau a part le boueux Sepik). Effectivement, c’est un village exceptionnel, c’est le seul où il y a quelques maisons avec des toits en tôles récupérées d’une maison de missionnaire abandonnée. Top le plan pourri.

Et je vous passe le temps pourri, sur 10 jours de Sepik, t’as du avoir 3 jours de soleil. Et ici quand il pleut, ça tombe sec. Comme ils sculptent des superbes masques et statues, tu t’es lâché, t’en as pour 30 kg. Tu sais pas comment tu vas arriver à les ramener et ou les mettre. Pas la peine de me répondre, certains vont être volontaires pour les garder chez eux.

Le soir tu pars à la chasse aux crocodiles. A l’avant de ta pirogue, tu cherches le reflet des yeux des crocodiles avec ta torche pour les empaler avec ta lance. Tu es soit disant avec les 2 meilleurs chasseurs de crocodiles de la région,  des pointures qu’ils disent. Résultat, pas vu grand chose, même pas de quoi se faire une ceinture. Soit disant c’est à cause de la lune. Le lendemain, tu vas chez un papou pour lui acheter un masque. Une tête de crocodile traine dans une grande gamelle. Il l’a choppé la veille. Comprends pas, t’étais avec les 2 champions du monde. En tout cas, il t’en fera gouter.

Tous les soirs, tu dors chez l’habitant, ils ont des immenses maisons sur pilotis car en saison des pluies l’eau monte de plus de 3 mètres. A l’intérieur ils font fumer le poisson et faut pas espérer beaucoup de confort. Au mieux un matelas sur le sol et quand c’est Byzance, tu leurs fournis un peu de pétrole et au joie, un générateur avec un peu de lumière. Donc le choc en arrivant quelques jours plus tard à Jayapura en Indonésie, des bagnoles partout, du bruit, un KFC où on te sert le hamburger dans une assiette en porcelaine, plus ou moins internet, la civilisation quoi.

T’es tranquillement dans une maison quand tu entends du son qui sort d’un haut parleur.  Avec ton guide, tu vas voir ce qui se passe. Une bande de missionnaires est venu jusqu’au village avec un groupe électrogène. Ils ont installé un grand drap blanc qui fait office d’écran et projettent des diapos représentant l’apocalypse. Le tout avec des bruits de tonnerre. Faut imaginer les papous ! A se demander si dans 10 ans, il restera encore des traces de leurs coutumes actuelles.

Impossible de trouver une équipe à Paris pour taper le poker, par contre sur le Sepik dans les petits villages pas de problème. Et ce sont les femmes qui jouent tous les soirs. Résultat, tu t’es fait plumer d’un montant d’une journée de salaire local soit 4 euros. Ca revient cher ces vacances.

Il y a plein d’or dans la région, donc t’avais pensé te reconvertir en trafiquant mais bon ca coûte plus cher en essence pour aller le chercher dans les villages et pas sûr du bénéfice que tu peux en tirer. C’est pas encore gagné cette histoire.

Au retour tu repasses par le village de Kominibis où ils ont organisé un singsing traditionnel. Les hommes sont recouverts de peinture et même les paupières. Ils ont donc les yeux fermés et quelqu’un les accompagne pour les danses au rythme des percussions. Les vieilles mamies à moitie nue crient en courant avec des lances et t’as tout le village qui vient voir le spectacle et ca va durer toute la journée et une partie de la nuit.

Alors pour les inquiets, je pars pour 3 semaines dans des coins reculés de West Papua (à Wamena et Merauke) avec peu de chance d’accéder à internet avant le 8 septembre.

Crocodile Ricardo