En principe t’as pas peur de l’avion, mais là, les dix premières minutes, pas rassuré du tout. Déjà l’intérieur de l’avion, entre le hublot intérieur et extérieur y a des petites araignées séchées. Mouais, faut espérer que le budget qu’ils ont pas mis dans la cabine a été utilisé dans la maintenance des moteurs. Pendant toute la phase où l’avion monte t’as l’impression qu’il a des pertes de puissance, comme si le moteur s’arrêtait une seconde et repartait. 10 minutes où tu te dis que finalement 10h de bus, c’était pas si mal. Après, une fois qu’il est au palier, ça va mieux. Au niveau du paysage, ben du désert…

Port Soudan, tu enlèves la partie port industriel avec ses grues et ses containers, tu enlèves les rochers du bord de mer et les bouteilles plastiques, tu rajoutes des tonnes et sable puis tu enlèves les tchadors et tu les remplaces par des bikinis, et là ça commencera à faire venir du FRAM. En fait, au bord de mer, tu as sur 500m de promenade plein de petits bars où tu peux boire des jus de fruits, manger des snacks et fumer le narguilé. Par contre, pas foutu de trouver un restaurant de poissons alors que t’es au bord de la mer Rouge. Il paraîtrait qu’il y a des restos poissons loin du centre ville et ouverts uniquement à midi, ils ont rien compris au business.

Véro, Éric, idée de business : on monte une guesthouse ici qui fait aussi de la cuisine. Véro, tu t’occupes de l’accueil, Eric de la pêche mais il va falloir que tu sois nettement meilleur. On engage 2-3 soudanaises pour la cuisine et le nettoyage (ça coûte rien la main d’œuvre) et c’est parti. Et en plus on fait des bonnes glaces. On trouve des citrons et des olives, tu pourras faire du Limoncello et des quiches à la tapenade. On va tout faire péter. En plus, Bechir, le boss du Soudan veut développer le tourisme. Et en cas de merde, hop on prend le bateau d’Eric et cassos. Y a un petit côté St Tropez car il y a une dizaine de beaux bateaux remplis de touristes venus faire de la plongée. Mais pas l’impression qu’ils descendent de leurs gros bateaux. Le soir, les locaux viennent déambuler tranquillement le long de cette promenade. C’est un peu comme Menton mais en plus jeune et en plus habillé.

2 bus plein de touristes italiens viennent de débarquer sur le port. Une nuée de zodiacs et les voilà embarqués sur les bateaux de plongée. C’est tout ce qu’ils auront vu de la ville. Il y a un choc de culture ici. Tu as sur la promenade surtout des jeunes habillés en jeans (sauf les femmes), des familles, des gens installés sur des nattes et qui jouent aux dominos ou aux cartes et du côté du souk que des hommes un peu âgés habillés avec la tenue traditionnelle soudanaise. Ils sont assis toute la journée à attendre et palabrer.

Le souk est vraiment traditionnel. T’as le coin où tu achètes ton tissu au mètre et le coin des tailleurs. Oui tu portes ici que de la djellaba sur mesure, faut pas déconner. C’est rigolo car ce sont les hommes qui cousent et les femmes qui ont passé commande surveillent leur travail et attention aux faux pli !!!

Et puis, tu as comme des tâches de couleur qui attirent l’œil. Faut vous expliquer : Ici les femmes sont habillées soit d’une robe, soit d’une longue jupe et d’une haute manche longue et bien sûr d’un voile. Et c’est toujours à base de noir plus plein de couleurs. Et bien, il y a d’autres femmes, peu nombreuses, certainement une ethnie particulière, qui sont habillées juste d’un voile monocolore mais très coloré. Un voile très fin mais elle s’enroulent dedans. Ça peut être en bleu, en jaune, en mauve…, c’est très joli. Et tu vois qu’elles au milieu de la foule. Si ce sont des vieilles, le voile leur cache tout le visage sauf les yeux et le nez. Et dans la narine gauche un énorme piercing en or en forme de boucle. Impossible de sortir l’appareil photo. T’as essayé en douce avec le téléphone mais tu t’es fait repérer par un mec et ça a failli mal finir. ça rigole vraiment pas là-dessus. Sauf que sur la promenade tous les jeunes ont des tablettes et se prennent en photo.

Besoin de faire recoller tes lunettes, tu vas où trouver de la colle ? Chez les mecs qui réparent les chaussures dans le souk. Même en 4 morceaux, ils arriveraient à réparer tes pompes. Ici, ce business est tenu par les camerounais. Il semble que le Soudan attire les habitants des pays l’entourant. Apparemment, on y vit mieux.

Pour répondre à vos questions, la soudanaise a quand même tendance à s’épaissir rapidement avec l’âge, tu comprends pourquoi elles se marient à 14 ans. Un pressentiment que je vais me prendre un retour de mail féroce.

Dans ton bouquin, on te dit qu’il y a un super glacier. Tu oublies la chaîne du froid et avec quelle flotte est faite la glace et tu testes. Vu les parfums proposés, tu sens que les glaces sont pas faites localement. T’as essayé, entre autre, cerise et bien t’as eu droit à une belle boule vert pomme. Is auront un choc le jour où ils verront une vraie cerise. Faut se méfier des conseils culinaires dans ces bouquins car ils sont souvent écrits par des anglais ou des américains et ils y connaissent rien.

Ton hôtel est pourri, la salle de bain est un nid à choléra. Ton cul a vu les chiottes, il fait grève, il est passé en mode constipé.  Du coup tu fais du repérage pour un autre hôtel histoire qu’il se sente à l’aise. Deux nuits à dormir dans le désert, t’avais oublié le réveil de 5h. Alors à Port Soudan, c’est encore différent. Le mec est à l’heure. 5h pétantes, ça démarre. Une voix très douce, tu pourrais même dire une voix agréable pour 5h du matin. Et en plus ça ne dure que 5 minutes, presque trop court. Sauf qu’il y a un rappel à 5h30… Ton nouvel hôtel est encore plus près de la mosquée, un petit côté maso.

Histoire de faire un peu local, t’as pris un minibus pour aller à Suakim, une petite ville à 30km. Le mini bus part quand il est plein et bien plein, t’as de la chance, t’es assis à côté d’un gros soudanais. Quand tu veux t’arrêter, tu claques des doigts et le jeune qui s’occupe des billets souffle entre ses dents pour dire au chauffeur de s’arrêter. Faut compter 300m entre le moment où tu claques des doigts et le moment où le minibus s’arrête, oui les freins. Sur tout le trajet des camps de bédouins faits de bric et de broc, quelques chèvres et chameaux. La survivance. Des bouteilles plastiques partout. A des endroits tu pourrais pas faire 1 mètre sans marcher sur un sac.

Suakim était la ville principale avant Port Soudan. La vieille ville qui est sur une presqu’île est en ruine. On dirait que tu passes juste après un tremblement de terre, assez impressionnant.

Il est 10h45, juste à la sortie de la presqu’île, il y a un petit bouiboui, qqun mange du poisson. Ouais, c’est vrai c’est tôt mais c’est lié à ta frustration de la veille. On te demande si tu veux une petite part ou une moyenne. Au Soudan faut toujours prendre petit. Pour la glace, t’avais demandé moyen t’avais eu 4 grosses boules. 2 minutes après, tu as ton poisson, ta salade et tes haricots. Du poisson frit et refrit bien sûr. Au moment de payer (le seul soudanais qui n’aura pas été sympathique depuis le début de ton séjour) le patron appelle son larbin qui lui apporte une bouteille de coca à moitié vide. Véridique, il crie un truc, deux secondes plus tard une chèvre débarque de tu ne sais où et met les deux pattes avant sur le banc. Il lui file la bouteille de coca ouverte, elle la choppe, renverse la tête et la vide en dix secondes. Quel gâchis.

Dans cette région, c’est l’ethnie Beja. Avant les hommes avaient un sabre mais maintenant ils l’ont remplacé par un bâton. Il y aurait des supers photos à faire, tout en blanc avec leurs djellabas et turbans blancs, la peau très noire et pour les petits vieux une barbichette blanche mais ils aiment pas du tout. T’avais sympathisé avec un petit vieux et tu lui avais demandé si tu pouvais faire une photo. Sa gentille réponse, non demande plutôt à un autre.

Incroyable, pendant que je vous parle, les flics ont fermé la route sur la promenade. Puis débarquent une centaine de mecs en moto. Quoi ? Un défilé Harley Davidson et on t’a rien dit !!! Et ensuite une file d’une cinquantaine de gros 4*4. Et qui fait des grands signes à travers sa fenêtre grande ouverte ? Le président, oui tu dis bien LE président du Soudan, Mr Bechir. Mais vous réalisez pas, il t’a fait signe, à toi. Véro, toi qui crois aux signes du destin, t’en penses quoi ? Faut monter ce business ?

C’est con t’as raté la photo à ne pas rater. Si ce soir il y a un meeting politique tu y vas et tu lui lances ta sandale. Si avec ça, Georges Clooney te file pas un job quand tu sors de prison, si tu sors de prison. Bechir est recherché par la CPI pour génocide et s’il sort du pays il peut se faire arrêter sauf si un pays sympa comme l’Arabie Saoudite ou la Chine le laisse venir. Et il paraîtrait que Georges Clooney payerait pour qu’un satellite le surveille. Mais que quelqu’un prévienne Georges. Oui, les élections pipo sont début avril, donc il se montre. Le cortège de bagnoles s’est arrêté au meilleur hôtel de la ville. Et bien, forcément t’es allé voir, histoire de faire un selfie…L’hôtel est super classe, ça sent le propre ici. Ça change de ton quotidien…et en plus il est loin de la mosquée, sont pas cons les riches ! Mais va savoir où il est caché. Il doit faire un meeting mais tu te vois mal demander où il est pour lui taper sur l’épaule et puis te taper 3h de meeting politique dans une langue que tu ne comprends pas. T’as déjà donné. Par contre, si ce soir, il vient faire du serrage de paluches dans la rue, tu vas pas le rater.

Sinon, pensez à moi qui dois me lever à 5h pour faire 7h de bus glacial. Direction Kassala, inchallah

Du coup, petite minute politique soudanaise :

D’après ce que tu as compris, tout l’argent de l’état est investi dans le nord de Khartoum car Bechir et sa clique sont tous du nord. Ça explique pourquoi il y a de belles routes en plein désert, des infrastructures. Mais dès que tu es dans le sud dans la région des montagnes Nuba ou à l’ouest au Darfour, il y a plus rien. D’où toutes ces guerres dans ces régions qui revendiquent du pognon et une forme d’autonomie politique.

Ricardo Jones, futur ministre du tourisme.