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Il te reste 2 petites semaines aux philippines. On oublie ces plages idylliques et lassantes… pour retourner sur Manille et choper un bus de nuit direction Banaue. Les 4 dernières nuits à Coron ont été compliquées entre le bruit des bagnoles toute la nuit puis un groupe de philippins qu’a débarqué et qui à 6h du matin se croit à l’église et se met à chanter et prier dans la guesthouse. Et le top, le dernier soir t’étais tranquillement assis dans la partie commune de la guesthouse quand t’as réalisé que ça te grattait de partout. Ouais t’as juste une cinquantaine de piqûres de puces ou autres bestioles sur les fesses… Le rêve. Donc peu dormi et là à 21h tu embarques pour 9h de bus glacial.

T’as contacté la veille plusieurs guides mais aucun n’est dispo ou veux te suivre sur ce que tu veux faire. En fait tous, proposent des treks de 2 ou 3 jours et toi, histoire de faire un truc différent tu veux faire 4 jours en passant par des petits villages. T’arrives à 5h du matin dans le bled de Banaue, des dizaines de guide attendent les touristes du bus avec une pancarte à leur nom.. Toi, t’en as 2 qui ont ton nom alors que tu leurs a dit que t’étais pas intéressé.

Tous les touristes avec qui t’as parlé font 2 ou 3 jours puis repartent. La vache, tu te tapes 9h de bus pour marcher un petit peu, dormir dans un village, remarcher 3h et te retaper 9h de bus de nuit pour revenir sur Manille. T’en as fait des trucs cons mais là, chapeau.

Avant de vous raconter le trek, la question est pourquoi venir à Banaue ? C’est la région où t’as immenses rizières en étage. Certaines  comme celles de Batad qui est juste à côté sont classées au patrimoine de L’UNESCO. Ouais, ça rigole pas, apparemment le paysage qui pique les yeux. T’as pas lâché les plages pour 2 brins de riz…

Donc, t’as pas de guide et tous les autres font le circuit standard. Toi t’as vu sur les sites des agences de trek françaises qui proposent 6 jours de trek dans ce coin mais tu veux le faire en 4.  Donc on t’amène à l’office des guides et t’explique ton cas. Oùla, ça à l’air compliqué. Il y a très peu de guides qui connaissent ces sentiers…

A côté, t’as 2 jeunes françaises qui pipent pas un mot d’anglais et qui ont réservé 5 jours dans une guesthouse à Batad, le guide leur demande ce qu’elles vont y foutre car 1/2 jour max sur place ça suffit. Déjà qu’elles doivent attendre 6h à Banaue pour chopper le transport qui les enmene à Batad, elles ont l’air dépité.

De ton côté, ça cherche toujours une pointure qui connaîtrait les chemins. Tu discutes avec un français qui est fier d’être là depuis 1 mois et donne des conseils sur les circuits. Tu lui demandes s’il est déjà allé où tu veux aller. Que dal. Encore un baltringue qui se la raconte…  On te dit que c’est trop compliqué, qu’il faut aller à Batad pour trouver un guide. Sans déconner les gars, le chemin que tu veux faire il est parfaitement indiqué sur votre carte  qui est au mur et tous les villages sont précisés. C’est le bureau des guides où celui des majorettes ? Car côté majorettes qui savent pas marcher, t’en connais un wagon en France… Non, pas de nom..

Alleleouia, t’as de la chance selon eux, ils ont en un sous le coude qui est en ville. Quand tu le vois débarquer, en tong rose, jean’s, blouson noir et en train de mâchouiller sa noix de bétel, tu te dis que c’est une blague. Le guide avec qui tu discutais (pas le charlot de français) lui explique ce que tu veux faire et l’autre à l’air super dubitatif. Oùla, ça pue cette histoire et en plus le gars t’ignore. Tu leur dis que c’est toi qui va marcher donc t’aimerais bien qu’on parle avec toi…. Ca discute, ça discute. Tu leurs dis même les étapes prévues.  Bon, ça l’air de le faire. Côté tarif, c’est un peu cher mais pas con ils ont bien compris que t’as pas trop le choix.

Emerson, ton guide, t’enméne au marché, histoire d’acheter ta bouffe pour le repas du midi. Le mec a même pas un sac à dos  juste un tout petit sac en osier. Et quand tu lui fais remarquer, le mec pas inquiet du tout. Tu lui dis que tu peux attendre le temps qu’il aille chercher ses affaires. Impossible, il est d’un bled à 20 bornes et tous les matins il vient à 4h pour attendre voir s’il se fait engager comme guide. Ahahah, c’est la meilleure, les guides locaux connaissent pas le chemin mais le mec qui crèche à 20 bornes, en tong rose et blouson noir le connaît. Si tu finis pas perdu dans la jungle…

En discutant, tu comprends que le gars est à la base porteur et il n’est guide que depuis 2 mois. OK, clairement, à ce moment tu te dis que c’est pour la caméra cachée.  On tchatche un peu et tu découvres que malgré son côté cool Raoul et son look de guide de ville, il a l’air d’être très bien.  Il t’explique que le circuit que tu veux faire, uniquement des agences de trek le proposent et les guides locaux se limitent au circuit standard. Et lui est porteur pour le sous traitant local des agences françaises d’où le fait qu’il connaît le chemin. En plus, il y a une semaine, il l’a fait avec UCPA. Ah ça va mieux. Et en plus, très sympa.

On part en tricycle rejoindre le point de départ du trek et en cours de route tu t’arrêtes à différents points de vue sur la vallée avec ses fameuses rizières en étage. A chaque point de vue, des anciens, en tenue traditionnelle rouge et coiffe en plumes de poulet t’attendent pour poser pour la photo.

Bon, côté photos, faut pas s’emballer, t’as un sale temps grisâtre blindé de nuages et même avec un coup de photoshop ça va pas faire l’effet waouh. Si t’as 4 jours comme ça…

Le tricycle t’abandonne au point de départ et nous voilà partis, Emerson avec son minuscule sas à dos en osier tressé et toi, comme dhab, une tonne de merdier inutile sur le dos. La première chose que tu vois sur une branche en plein milieu de la jungle c’est… de la pub pour des politicards pour les prochaines élections. Ouais dans la jungle et y en a partout.

Et le gars Emerson, avec sa démarche tranquille maîtrise. Il t’explique qu’il faut faire gaffe à ce type de fourmi car si elle te mord tu pleures pendant 10 minutes tellement t’as mal, qu’il faut pas toucher ces feuilles car elles sont urticantes, mais que par contre, celles ci servent de papier toilette. A ce sujet, en plus d’être dans le coltard par manque de sommeil, de te gratter sans arrêt à cause des piqûres de puces, t’as l’estomac en vrac mais vraiment en vrac malgré les médocs donc tu notes ces feuilles..

La marche est en descente et tu longes très souvent des rizières. Côté météo ça s’arrange avec un semblant de soleil quelques instants mais sinon c’est la grisaille. C’est con car c’est très joli. Bon, tu regardes quand même beaucoup où tu mes tes pieds car il y 5 à 6 mètres entre chaque étage des rizières et comme tu marches au bord, faut surtout pas se vautrer d’un étage.

A 90% tous les touristes que tu rattrapes sont français. C’est pas compliqué, tu tapes dans une pierre, t’as un français qui apparaît…

T’arrives vers 13h au village de Cambulo où les touristes sont répartis entre 4 guesthouses. En chemin t’as croisé un groupe de 8 françaises qui faisait une balade autour du village mais manque de pot, elles devait être dans une autre guesthouse. De tout façon, elles se la pétaient….Comme d’hab princesse…

Ici, ils mâchouillent tous la noix de betel qu’ils mélangent avec une feuille, de tabac et un peu de chaux. Ça leur faire les lèvres rouges et des dents dégueulasses et ils passent leur temps à cracher une salive rouge. Emerson a commencé à l’âge de 12 ans et un dentiste se suiciderait quand le gars souri. T’as vu des gamins de 7-8 ans avec déjà les dents rouges.

D’autres touristes arrivent au fur et à mesure dans la guesthouse mais à part un couple de belge, que des français. Personne ne sait pourquoi il y a que des français ici.

Le soir, des enfants du village viennent avec une institutrice pour nous chanter des chansons traditionnelles mais surtout des comptines françaises. On a eu le droit à toutes. T’as un bout-chou, avec sa guitare qui s’est mis à chanter/crier. Faut voir la vidéo mais dans 15 ans c’est le nouveau Johnny Hallyday philippin.

Puis les enfants font des démonstrations de danse et il faut ensuite danser avec eux. Tu t’es retrouvé avec une coiffe en plumes de poulet à danser en sautillant mais ce qui se passe à Cambulo reste à Cambulo…  Et ensuite, on doit leur apprendre une chanson pour qu’ils la rajoutent à leur répertoire, ça a été ‘sur le pont d’ Avignon’. Ouais, on fait ce qu’on peut. On fait une donation, et avec l’argent, l’instit va acheter des biscuits qu’on distribue ensuite aux enfants. Et bien, entre la noix de bétel et les gâteaux, y a du taff à vie pour un dentiste ici.

Lendemain matin tu laisses tous les autres partir dans la même direction. C’est la remise de diplômes à l’école et les gamins ont la même tenue que lors de la remise des diplômes des étudiants américains. C’est une policière qui fait le discours…

Aujourd’hui c’est surtout de la montée. Il faut se retaper la remontée des différents niveaux des rizières et le plus sympa c’est qu’on va en direction des nuages. On a démarré vers 9h et Emerson te dit qu’on s’arrêtera à mi chemin à midi pour déjeuner. Hein quoi, on a que de la montée et au bout de 3h on aura fait que la moitié? Plus on monte et plus on est dans les nuages. Le terrain est glissant et boueux et la pluie rentre dans le game t’as beau être sous la jungle, tu commences à être humide voir mouillé.. On arrive à une endroit, Emerson te demande l’heure, il est 10h20. Bon, ben c’était le stop pour le repas du déjeuner… Soit on est des fusées soit il est mauvais en timing. En tout cas, c’est sûr qu’il connaît le chemin car jamais tu le trouves. Finalement on arrive au col à 11h20, plus trempé qu’une serpillière qu’a traîné une journée dans un sceau d’eau. On est sensé avoir un super point de vue. Ouais, tu vois de la pluie et du gris. Et dire qu’il y a 2 jours tu buvais des bières sur la plage en te protégeant du soleil, faut être con..

Le village est plus trop loin. On a plus que 40 minutes de marche. On aura mis 3h au lieu des 6 annoncées. Alors, le village s’appelle Patyay, une dizaine de cahutes. L’endroit où tu vas dormir, chez ‘habitant, est désert à part 2 gamines de 10 ans. Les parents sont dans les rizières à trimer.

 Après midi à regarder la pluie tomber et écouter Emerson t’expliquer les coutumes locales : Concernant les successions, par exemple si la famille a 5 enfants et 3 rizières, la plus grande va à l’aînée, la 2eme plus grande au second et ainsi de suite et la maison va au plus jeune. Donc dans ce cas, le 4eme enfant a walouh.

Dans certains cas, plusieurs années après un décès, ils récupèrent les os, les nettoient et les gardent dans un coin du grenier. Si une personne de la famille est malade et que le docteur ne sait pas le soigner, ils font une cérémonie avec les os.

La journée passe, si tu veux bouffer, tu dois bosser. On récupère des bottes de riz dans le grenier et il faut d’abord les égrainer. Ensuite tu les mets dans un gros mortier. A ce moment tous les poulets et poussins rappliquent et attendent le show avec impatience. Avec un gros pilon, tu tapes dans le riz qui est dans le mortier pour l’écorcer. Faut pas se rater car si tu tapes pas pile au milieu du mortier, ça fait valdinguer le riz en dehors du mortier et c’est ce qu’attendent les poulets avec impatience. T’as essayé avec précaution, ouais on parle de ta bouffe. Les poulets ont été contents mais il y aura vengeance ensuite.

T’as laissé faire le pro. Ensuite dans un grand panier il fait sauter le riz en l’air pour que l’écorce s’envole. Bon, faut le faire plusieurs fois pour arriver à n’avoir plus que le riz. Tu l’aurais fait au mieux t’aurais récupéré 10% du riz initial et les poules auraient fait une indigestion.

Bon, c’est sympa le riz mais ça manque de protéine. Donc côté poulets, ils devraient la jouer profile bas. Ils devraient savoir que quand un touriste débarque faut pas traîner dans le coin. Résultat, c’est la petite fille de 10 ans qui tenait le poulet quand Emerson l’a égorgé, puis mis dans le feu, plumé et découpé en moins de 10 minutes

Toi, tu traînes près du feu en essayant de faire sécher tes fringues et réchauffer tes vieux os. T’auras pas vu un rayon de soleil de la journée, on est à 1500m d’altitude et il fait pas chaud. Ouais, tu crois que tu l’as écris juste avant mais dire qu’il y a 2 jours, t’avais trop chaud. Les proprio ont débarqué à la nuit. On a tapé du riz dans leur grenier et flingué un poulet en leur absence mais pas de problèmes… Va faire ça à un paysan français. D’un autre côté, le matin ils t’ont fait payer le prix du poulet comme si c’était leur animal préféré et le riz comme si c’était introuvable dans le coin. M’enfin…

On a discuté bouffe. C’est interdit aux philippines de bouffer du chien mais ici dans les montagnes ils se tapent des règles du gouvernement. Le gars te montre une gentille chienne assise à côté qui attend des petits et te dis qu’une fois les chiots sevrés, elle finira dans la marmite.

Allez c’est pas tout de parler de recette culinaire locale, tu manges ton riz et ton poulet pour le petit dej et c’est reparti..

Ricardo qui se pèle…