Yo,
De l’île de Pâques à Manaus, c’est un poil long surtout que tu fais des zigzags pour traverser toute l’Amérique du Sud, Santiago du Chili puis Sao Paulo et enfin Manaus, 24h de porte à porte.
Alors pourquoi Manaus ? Bonne question…
Une idée à la con, tu t’es dit, mais pourquoi pas traverser une grande partie du bassin amazonien en bateau (à pieds tu le sentais moyen, tout le monde n’est pas Mike Horn… ), en partant de Manaus, puis passer par la zone des 3 frontières (Brésil, Colombie et Pérou) à Laeticia (oula, zone rouge…), et continuer en traversant le nord du Pérou via Iquito et rejoindre la frontière équatorienne (ça doit pas être très français ce mot) à Nueva Rocafuerte et enfin arriver tant bien que mal à la capitale de l’Equateur, Quito.
Ouais, t’as pas que des idées de génie à chaque fois. Bon, t’as déjà fait plus ‘con’ , t’es déjà allé dans des endroits juste à cause du nom du bled. Qui n’a jamais rêvé de remonter le fleuve Niger jusqu’à la mythique Tombouctou, s’enfoncer dans la jungle de la Papouasie Nouvelle Guinée ou découvrir les volcans du Kamchatka? Personne ? Ah merde…  Plus tard t’as prévu d’aller au Mato Grosso ? Vous connaissez ? Pas sûr qu’il y est qqchose à voir, mais toi, rien que le nom ‘Mato grosso’ te fait voyager. Chacun ses délires.
En tout cas, tout ce trajet en bateau sur le fleuve Amazone (pas le vendeur de bouquins qui va révolutionner notre quotidien) en essayant de trouver des arrêts pour s’embarquer un peu dans la jungle. Ouais, les moustiques et l’humidité qui vont ruisseler sur toi, quel bonheur en perspective.
Sur la partie purement transport, en fonction de si tu chopes le bon timing côté bateau, il faut compter au moins 2 à 3 semaines de traversée. Mais avec ta chance si t’as pas au moins un bateau qui coule, ça sera pas rigolo. Ca fait quand même longtemps que t’as pas eu pas une grosse galère. Va falloir changer le thème du blog.

Bon, 3 semaines de fleuve ça risque de faire un peu long. Pour les rares qui peuvent être inquiets (Vero, je suis déçu, à l’époque je pouvais compter sur toi. Maintenant 3 mois sans nouvelles, t’en as plus rien à taper. T’es trop occupée à valider tes tickets de loto gagnants. En tous cas, t’es mal barrée pour avoir des bracelets du fin fond de l’Amazonie chinoise), vous avez grandes lignes le trajet.

Petit point actualité française, t’as hésité à faire une copie d’écran du site du ministère des affaires étrangères en cas de merde. Ouais, tu viens de voir qu’ils ont changé les conseils sur leur site pour le Bénin APRES l’enlèvement et en culpabilisant les mecs enlevés….trop fort. Guy, t’as toujours mon enveloppe à transmettre à Macron en cas de merde? Oui, c’est la minute un peu sérieuse de ce post. Quand on voyage et qu’on décide d’aller dans des endroits déconseillés, il faut savoir prendre ses responsabilités. D’où cette lettre qui assume le fait d’aller en zone rouge et de considérer que l’état français n’a pas à intervenir en cas de merde et surtout ne pas risquer la vie de militaires. Mais pour le Bénin c’était différent, rien n’indiquait sur le site du ministère des affaires étrangères qu’il y avait un risque potentiel.  Désolé pour ce petit dérapage mais quand on voyage hors Monaco, tout le monde il est pas gentils.
Revenons à Manaus. Plus de 2 millions de pimpins qui vivent dans une ville au milieu de la jungle. A une époque, la ville était tellement riche avec le latex qu’ils ont construit un immense opéra. C’était un de tes hot spots pour toi. T’es arrivé a Manaus dimanche après midi juste après la fermeture des visites de l’opéra, le lundi il est fermé et t’as ton bateau mardi à 6h du matin, super timing.
Bien sûr t’es arrivé sous le pluie avec d’énormes nuages. Ici, tous sont contents de la pluie, ils ont crevé de chaud depuis plusieurs jours jusqu’à ton arrivée. A ce demander si tu vas pas devenir le gourou ‘rain maker’. Si t’es un paysan au fin fond de Bernay et que t’as besoin de la pluie sur ton champs de betterave (y a de la betterave à Bernay?)
Dimanche après midi, ville morte, tu te croirais aux Tonga. T’es logé à quelques mètres de l’opéra, dans le quartier historique de Manaus. Rues vides et temps gris, ca fait pas rêver pour l’instant. A la guesthouse, on t’a conseillé d’éviter les rues vides. Euh, elles sont toutes vides les rues. Apparemment les gens sont à la plage. Oui, au bord de l’Amazonie, il y a des plages, surprenant.
A partir de 18h la vie s’anime autour de la place de l’opéra. Les bars et petits restos rouvrent et installent leurs tables au bord de la route. Ils ont fermé un petite portion de la route, installé des tables et chaises en plastique et des petits stands qui vendent de la nourriture et bien sûr de la caïpirinha. La caïpirinha à 2€ le verre, ça risque de faire mal. On est dans le pur cliché brésilien : d’un côté de la rue, un groupe joue de la musique brésilienne et les gens de tout âge se trémoussent sur leur chaise ou se lèvent naturellement pour danser. Et de l’autre côté de la rue, ils ont sorti des grandes TV pour regarder un match de foot. Musique et foot, bienvenu dans ce Brésil qui ne peut pas laisser indifférent.

Tout serait idéal si t’avais pas un gars de la sécurité à chaque entrée de la rue, un gars armé devant certains restos et la police touristique qui trainasse dans le quartier.  Et les flics ont la main posée sur le holster avec un regard parfois agressif.

C’est presque dérangeant cette ambivalence : les gens souriants, une joie de vivre, de la musique un peu partout où t’as l’impression que la vie peut être tranquille et de l’autre côté ce sentiment que tu peux te faire agresser ou voler à tous moments (merci aux médias). Reste qu’il y a quand même plein de gens/familles qui dorment dans la rue et un mec qui dort par terre devant un magasin de matelas

Changement d’ambiance lundi matin, les rues sont blindées de monde, plein de petites échoppes qui vendent tout et rien ainsi que des vendeurs à la sauvette qui essayent de fourguer des caleçons et même des médicaments.  T’as même un gars en gilet jaune dans la rue qui fait de la pub pour…un dentiste.  Dans toutes les rues des magasin de hamac. Sur les marchés, en dehors des fruits et légumes traditionnels, tu trouves plein de sachets d’herbes séchées.Faut vraiment avec un local pour vraiment apprécier ces marchés sinon t’as aucune idée de ce que c’est. ET il faut parler portugais car ici personne ne parle anglais ou même quelques mots d’espagnol.
T’es allé sur le port où des dizaines de gros bateaux attendent les passagers pour naviguer sur l’Amazone. Ce sont ces fameux bateaux, très lents à plusieurs ponts où tu installes ton hamac et regardes les rives du fleuve défilées infiniment. Histoire d’économiser sur le prix des stands, les pêcheurs ont trouvé la solution, ils étalent directement leur pêche sur la proue de leur bateau.
Malgré les nuages, l’humidité est  bien présente et des 11h du matin tu poisses.
T’as essayé le bus pour aller au centre culturel  »dos provos de amazonia ». On est pas à Paris, ça fraude pas dans le bus. T’as même le guichet et le tourniquet dans chaque bus. Le prix d’un ticket correspond à la moitié du prix d’une caïpirinha. Ouais, maintenant ton unité de prix est la caïpirinha.

Le petit musée est gratuit et tu peux voir plein d’objets utilisés par différentes tribus. Le seul regret, tout est écrit en portugais, une petite version en anglais ou espagnol aurais été utile. Le plus impressionnant sont les parures à base de plumes de piafs. Chap ? Pour tes soirées de folie au KB ? Y en en toc au marché d’artisanat.

Histoire de pas mourir idiot (c’est pas gagné) t’as quand même prix un bus pour aller à la plage ‘ponta negra’. Incroyable, une vraie plage de sable mais elle est totalement factice car ils ont importé le sable et fait en sorte qu’il y ai toujours du sable même quand le niveau du fleuve monte. Plein de stands qui te louent des tables, chaises et parasols. T’as mis un pied dans l’eau, super chaude et d’une couleur cuivrée. A cet endroit l’Amazone est pas très large car tu peux voir au loin (très au loin) l’autre rive. Il paraît qu’à certains endroits tu ne vois pas la rive opposée. Je sais pas si vous connaissez mais au Brésil sur les plages, t’as des mecs qui se baladent avec un mini BBQ portatif et te font griller des petites brochettes de fromage arrosées de jus citron vert. Super bon, mais vu le prix payé, t’as dû te faire escroquer.

T’es tranquillement dans ta guesthouse sécurisée. Oui, sécurisée car caméra à l’entrée qui scrute la rue avant d’ouvrir la porte, fils barbelés électrifiés sur tout le haut des murs et t’es photographiés à ton arrivée. Ouais, t’es donc tranquillement dans ta guesthouse quand t’entends plein de pétards à l’extérieur. Tiens y a une fête ce soir? Euh, pas vraiment, une locale te dit que ce sont des coups de feu des dealers de drogues, une sorte d’avertissement. Vu le bruit, ça doit pas être du 22. Tiens, ils répètent leur avertissement plusieurs fois. Apparemment, ceux qui sont censés être avertis ont pas l’air de comprendre.
T’es allé jeter un œil, Manaus n’est même pas en orange sur le site du MinAff donc ça devrait aller… En fait, ce sont des gens qui font exploser des gros pétards devant l’église sur la place principale Je t’en fouterai des tirs de kalach… Ils portent tous le même t-shirt, ça doit être le lancement du cartel de  »l’hostie qui fait planer ». En tout cas, leur Dieu ne doit pas aimer le bruit, car il vient de balancer une énorme ramasse de flotte, tout le monde a décampé fissa pour aller se protéger. La pluie commence à diminuer, un connard a refait péter un pétard, la pluie est répartie encore plus forte. Même ceux qui ont des parapluies restent planquer tellement ça tombe. Putain, si tu prends ça quand tu seras dans la jungle. Tu devais pas être hors saison des pluies ?

Allez demain, c’est parti pour au moins 36h de bateau en théorie. Mais pas sur un beau gros bateau à plusieurs ponts mais sur un bateau express, (36h au lieu de 6 jours). C’est pas certain car t’es tombé sur une grosse équipe de baltringues qui t’a vendu le billet. Pour l’instant tu l’as pas, peut être demain à 5h mais c’est pas sûr…

Ricardo, l’homme qui parlait à l’oreille des nuages