1er jour 
‘Goooood morning patagoniaaaaaa. Ici radio patagonia, la radio du blabla. Contrairement à nos amis (ou pas) parisiens, vous ne devriez pas trop trouver de bouchons sur la route. Il est temps de démarrer cette première journée de Trek. Bonne journée à tous ceux qui vont en baver. »
Le tout premier bus du matin est plein. Un gars dans le bus dit que les prévisions météos sont bonnes sur les prochains jours, cool. Premier stop pour déposer ceux qui font le circuit W. Tu te retournes dans le bus, t’es tout seul. La vache !

Un vent monstrueux secoue même le bus. Il se met à pleuvoir et à neiger. Au moins c’est clair, tu sais à quoi t’attendre. T’as fait 2-3 photos à partir du bus, pas sûr que t’es une meilleure vue plus tard. Si c’est comme ça tous les jours ça va être folklo….
On te file une carte du trek avec les conseils comportementaux en cas de rencontre avec un puma. Être poli, lui serrer la patte, ouais les trucs de base du savoir vivre en milieu animal. Sans déconner, vu le monde qui passe, si un puma se pointe c’est qu’il est vraiment en manque de chaleur humaine ou qu’il veut prendre un thé avec un nuage de lait. Bah, on sait jamais, t’as du lipton.
Le premier camping Seron est à 13 bornes. Franchement, le paysage pour cette première marche est loin d’être exceptionnelle, pas super emballé pour l’instant. Le plus impressionnant c’est les changements constants de météo. Le vent s’arrête 30 secondes, tu crèves de chaud, il souffle à nouveau, glacial, tu te pèles. Compliqué de s’habiller correctement. T’as pris dans la tronche un paquet de flotte alors si tu recroises monsieur météo, tu vas lui péter 2-3 genoux.
Arrivé au camping, il y a plein de monde et le soleil réapparaît. Désolé pour tes genoux, gars… En fait beaucoup arrivent à Torres et commencent le O que le lendemain. Tu pensais que le refuge était basique mais non, ils préparent des repas, ils vendent même des alcools et tu peux même payer pour du WiFi. Tu peux louer des tentes et matelas pré installés. En fait tu peux faire toute cette semaine de trek en ultralight, juste avec ton slip kangourou de rechange, tout le reste est fourni. Y a même un couple qui n’a ni tente ni bouffe et en plus a pris un porteur et un guide, respect! Donc les baltringues mentonnais ou celui qui porte un pantalon orange, vous pouvez le faire.
Toi avec toute ta bouffe que tu trimbales, tu dépasses largement les 20 kg et t’as le dos plié en deux. Tu vas peut être en ‘oublier’ en cours de route dans des refuges.
Il y a même des douches chaudes, en se croirait au camping des flots bleus. On dirait pas mais ça pèse lourd un paquet de lingette inutile.

T’as un grand champs pour installer ta tente. Tu t’installes à une distance raisonnable des autres. 1h plus tard d’autres arrivent et s’installent à 2m d’une autre tente. Ahaha. Le premier gars pas super ravi prend sa tente et la déplace de 100m histoire d’être sûr que t’as pas un autre gus qui va encore se coller à lui. T’es mort de rire. Tu viens faire dans la nature faire du camping, t’as toute la place pour t’installer et tu viens te coller à un autre. C’est quoi l’idée ? T’as besoin de retrouver ton quotidien d’une grande ville où on vit les uns sur les autres ? Et puis, tu préfères quoi, être réveillé par les pets matinaux de ton voisin de tente ou par les gazouillis des piafs ?
Bon, t’as moins rigolé quand 2h plus tard un couple a posé sa tente à 2m de la tienne. Tu les as bien fixé puis t’as déplacé ta tente de 50m. Le mec a demandé innocemment s’il pouvait t’aider.
Il y a une saloperie que t’avais pas vu depuis 2 mois, le moustique. T’as laissé ton produit anti moustique en ville. Ici, c’est pas le moustique intelligent qui détale quand tu lèves la main. Non, le local vient déjà en groupe et reste posé sur toi jusqu’à ce que tu lui exploses la tête. En 5 minutes 10 piqûres. Le refuge vend une bombe anti moustiques au prix d’une nuit d’hôtel. Bienvenu à business land.
Alors, avant de lui mettre une grande claque, t’as discuté avec un des moustiques pour comprendre. Déjà, il t’explique que sur le trek du O y a moins de viande sur pattes qui vient donc faut pas rater les occasions, que du sang de grenouille blindé de cholestérol c’est comme du champagne pour lui et enfin qu’ils sont assez simplets car ils sont importés de l’Eure et on n’est pas très futé là-bas.
Aaaaaaah, un bon dîner à base de nouilles chinoises et une boîte de thon, ça fait rêver.
2ème jour
 »Goooood morning patagoniaaaaaa. Ici radio patagonia, la radio du blabla. Un beau ciel bleu est annoncé et nous vous demandons une minute de silence pour celui qui se traîne les 2 genoux pétés par un grincheux de la météo. Bonne nouvelle, vous êtes tous impatiemment attendu pour un petit déjeuner surprise. Bonne ballade à tous, la circulation sera fluide. C’était radio patagonia »
Attendu pour un petit dej surprise ? Bizarre. Le soleil est déjà levé à 5h, mais tu grassouilles jusqu’à 8h (ouais, t’es en vacances). Tu sors de ta tente pour voir ce qu’est ce fameux petit déjeuner. Des dizaines de moustiques impatients se jettent sur toi. Putain, c’est toi le petit déjeuner. Quelle conne cette radio ! Impossible de pisser tranquillement, il faut se badigeonner d’anti moustiques avant de faire le moindre pas.
Des gens sont partis prendre leur petit dej en laissant étaler leur affaire. Un piaf de la taille d’une grosse poule mais avec un air pas sympathique s’est pointé, a inspecté leur affaire et a commencé à déchirer un sachet plastique de bouffe. Au bout de 5 minutes qqun est intervenu pour virer le piaf et jeter le sachet en plastique totalement déchiré. Le piaf a pas lâché l’affaire, il s’est ensuite attaqué à un autre sachet. T’es intervenu mais bon, t’es pas non plus le gardien du matos pendant que les autres déjeunent tranquillement. T’es parti les prévenir. En revenant, t’as vu le piaf qui a du en avoir marre de ne pas profiter tranquillement de son braquage et a eu l’idée d’embarquer son larcin plus loin. Le gars lui a couru après, il courre toujours. Il est con ce piaf, il aurait dû venir te piquer ta bouffe mais bon, nouilles chinoises ça fait pas rêver, même un piaf.
18 bornes pour rejoindre Dickson, le prochain refuge. Ça démarre par ce même paysage genre ‘petite maison dans la prairie’. Puis tu passes de l’autre côté d’une colline et enfin t’as un superbe vallée avec un fleuve qui serpente d’une jolie couleur bleu glacier. Ça tombe bien, t’as un glacier dans le paysage.
Arrrhhh control paper bitte ! Le chemin passe par un refuge de rangers qui vérifie que t’as bien des résas pour les 2 prochains campings, pas de résas et tu dois faire demi tour. Super contrôle, tes papiers sont illisibles mais ça passe quand même.

L’arrivée au refuge Dickson est superbe. Il est installé dans un des méandres de la rivière à côté d’un bosquet.

Les tentes pré-installés attendent ceux qui voyagent léger. T’es dans les premiers, on t’explique où tu peux t’installer. Donc tu vas loin. Un gars qui, arrivé en même temps que toi, est beaucoup plus sociable. Il a installé sa tente au milieu de toutes celles pré installées, il doit y avoir 2 mètres entre chaque tente. Encore un gars qui aime le bruit des ronflements et les pets nocturnes.
4h adossé à un tronc d’arbre à buller tranquillement en regardant le glacier et les…oh purée, et les nuages se pointer. Ça risque d’être sympa demain. Un guide explique à ses clients qu’une journée comme aujourd’hui avec un grand soleil n’est pas une journée classique en Patagonie mais que demain on devrait avoir pareil.
Ah, nous avons une première trompette. Un israélien dit qu’il s’est blessé et qu’il peut pas continuer. Incroyable ces trompettes de Jéricho. Ils vont lui pendre 350 euros pour faire les 30 km de piste en bagnole.
Spécial soirée pizza-bières. Oula, ça te démange mais non t’as trop de truc à bouffer dans ton sac. Des bonnes nouilles chinoises avec une boîte de thon, un délice. Oui, oui comme la veille et comme demain.
3ème jour
 »Goooood morning patagoniaaaaaa. Ici radio patagonia, la radio du blabla. Ami trekkeur, nous vous annonçons un terrain gras pour cette journée. Et le dicton du jour est : ne croyez jamais un guide concernant la météo »
Alors, vous n’imaginez pas comme s’est agréable de se réveiller par de doux flics flocs sur sa tente. Flic floc, flic floc. Continuel sans la moindre pause. Le temps est couvert, il pleut. C’est pas la même météo aujourd’hui. Il est où ce con de guide histoire de lui chauffer les genoux?
13 bornes pour rejoindre le prochain camp ‘Perros’, 13 bornes de montée dans la forêt sous une petite pluie dans la gadoue. Faire des photos? De quoi ? Des nuages ? De la boue ? À 5 minutes du camp, il y a le lac los perros et son glacier. Ça doit être beaucoup plus joli avec un poil de soleil. T’es trempé, tes grosses chaussures de trek en goretex sont aussi étanches que des babouches chinoises.
Le refuge est dans la forêt humide et il faut te trouver maintenant un coin où tu patauges pas dans la gadoue pour monter ta tente. T’as pleuré à l’accueil et ils t’ont filé un grand sac poubelle que t’as ouvert en deux pour faire un semblant de protection sur le sol. 13h. Il fait froid, tu peux même pas buller dehors, la journée va être longue sans parler de la nuit. Les joies sans fin du trek. Le dîner ? D’après vous?
T’as discuté avec un chinois qui était en manque de nouilles, sans déconner…
4ème jour
 »Goooood morning patagoniaaaaaa. Ici radio patagonia, la radio du blabla. Et oui, aujourd’hui c’est le grand jour du ‘O’. Un message de notre sponsor Kleenex : Soit vous allez pleurer, soit vous allez juste un peu pleurnicher’
Pour une fois, elle raconte pas trop de connerie, cette radio. C’est le jour de la roulette chilienne côté météo, tu peux prendre très très cher en cas de mauvais temps. Les parks rangers veulent que tu démarres le trek avant 8h du matin. 18 km et ils l’estiment à 11h de marche. 11h de marche pour moins de 900 m de dénivelé et monter jusqu’à 1200m. Waouh, c’est l’estimation pour ceux qui ont les genoux pétés ?
Du coup, tout le monde est parti très tôt. Tu pensais grasse mat jusqu’à 8h mais quand tu entends certains partir dés 5h00, tu t’inquiètes un poil. T’es parti comme un couillon à 7h. Il donne 6h de marche pour rejoindre le col de John Gardner à 1200m d’altitude. Bon, c’est vrai que ça monte un peu et ça pique un peu les cuisses surtout avec un gros sac sur le dos. T’en as rattrapé des gus qui pleuraient. Alors, tu t’es rappelé de ton ascension du Kili où, alors que t’étais à moitié mort, le guide marchait devant toi en chantant et dansant. Une grosse démangeaison à l’époque de lui plier un genou. Du coup, histoire de déconner t’as décidé de faire pareil. A chaque fois que tu rattrapais qqun, tu te mettais à siffloter et à accélérer genre trop facile pour toi. Mais dés qu’ils te voyaient plus, tu ralentissais pour récupérer de tes conneries. Ouais, faut être un peu con. Ça a du en énerver plus d’un.
On a eu quand même beaucoup de chance avec la météo. Car une grosse partie de la montée est dans la boue, la neige et la rocaille et avec un temps dégueulasse comme la veille ça n’aurait pas aussi facile. Y a 3 semaines certains ont marché dans 30 cm de poudreuse.
Juste avant d’arriver au col, énorme rafale de vent glaciale, impossible d’avancer. En t-shirt, casquette, ça picote un peu. Tu sens plus ni tes mains, tes oreilles.
Une fois arrivé au col, la vue est superbe. Tu surplombes l’immense glacier Grey. T’aurais passé le col la veille avec le temps de merde, t’aurais moins fait le guignol. En tout cas à faire le con en accélérant t’as mis 2h au lieu de 6h pour arriver au col. Le plus dur, la descente dans la gadoue.
Incroyable, tu vois quoi sur le chemin ? Un puma ? Non, mais plein de traces de Puma dans la gadoue du chemin. Le bougre doit suivre tranquillement le chemin. Un coup de chance, non ? Mais il y aussi d’autres traces, celles de Salomon, North Face, Merrell, ouais toutes les marques.
Tu longes le glacier avec parfois une percée dans la forêt pour voir le gros glaçon. Il semble beaucoup plus large et long que Pépito argentin.

Et là c’est le drame, t’as failli faire demi tour. (pour info le trek du O se fait dans un seul sens donc tu croises personne jusqu’au W). 3 jours pour revenir au point de départ, t’as hésité. T’es face à un p…de pont suspendu. Très haut et très long (en tout cas pour toi) et il gigote le bougre. Et quand t’as le vertige, c’est pas le genre d’obstacles que tu apprécies. Les câbles pour se tenir sont en dessous du niveau de ta taille. Oh galère ! T’as pris un point fixe de l’autre côté, t’as plié les genoux au maximum pour être le plus bas possible et tu t’es lancé. On t’aurait filmé, t’étais le guignol de l’année.

Bon, c’est passé. 45 minutes plus tard un autre pont suspendu mais 2 fois plus long et 2 fois plus haut. Oh madré de Dios. Même technique, même ridicule. Et comme on dit jamais 2 sans 3 mais le dernier est beaucoup plus petit. Frisette celui là, ou presque. T’as un gars qui était en train de le traverser dans l’autre sens, il a encore plus la trouille que toi. Tu l’as prévenu qu’il allait pleurer sur le prochain. Ouais, tu croises maintenant des gus sans sac à dos qui vont voir le glacier. On n’est plus très loin du camp Grey qui est un point de départ du fameux trek du W. Et là, y a un paquet de monde, bienvenue sur les champs elysées du trek chilien et sur les campings HLM.

O Ricardo le siffleur