4 janvier – La combine Ricardo
Et vas y que t’en coupes des fruits pour en faire une salade pour 11 polonais affamés. La salade de fruits ? Juste une minuscule partie de leur pantagruelesque petit dej.
Aaaah ! On a de la chance, selon le capitaine ça arrive très rarement, waouh, on a pas des nuages… mais du brouillard, du vrai. Super, waouh, une triple hola ! Et avoir juste une journée de soleil, il faut payer un supplément de combien ?
Avec les instruments de bord, tu peux savoir où sont les autres bateaux. On a du pot car il y a maintenant 3 bateaux de croisière qui sont dans la baie de Charcot où on était la veille.
Bon, t’as payé le supplément soleil. Une grande partie du brouillard est partie enmerder d’autres touristes et on a pu partir en raquette en haut d’une petite colline.
C’est chechou qui ouvre la marche. Chechou ? Rappelez vous, c’est le petit nom du copropriétaire du bateau. Sa femme n’arrête pas de sa voix nasillarde du chechou par ci, chechou par là. On marche depuis 5 minutes et quelque chose ne va pas. Elle ne marche pas directement derrière chichou, la pauvre. On réorganise l’ordre de marche et madame chechou retrouve le sourire. La technique chechou pour monter en haut d’une colline ? Partir dans le sens opposé. Bon, t’as trop rien dit, t’es pas une pointure en Antarctique…  A 1/3 du sommet (c’est une colline, pas l’Everest non plus…) chechou à du mal et on fait plus de pauses que de marche… Ça t’a démangé de chanter ‘allez chechou, on va aller jusqu’au bout’ mais pas sûr qu’il le prenne bien et certainement pas Mme chechou.
Du sommet, t’as une superbe vue sur le canal Lemaire, la baie de Charcot, au loin d’immenses montagnes, le tout avec des nuages qui donnent toujours cette ambiance particulière. Le soleil ? Ca fait longtemps qu’il s’est barré.
Honnêtement, au début t’étais pas trop convaincu par les paysages mais depuis 2 jours, t’en prends plein la gueule.
19h.Toc toc toc. Qui tape à la porte ? Ah c’est Mr glacial et Miss humidité. En quelques minutes, on a du perdre 5 degrés et t’es glacé. Pas grave, on va se réchauffer près des radiateurs. Ah ben non, c’est vrai ils fonctionnent pas…
2 polonaises ont bien compris que si elles voulaient bien manger ce soir, elles devaient pas trop compter sur le frenchy. Et voilà comment avoir 2 aides cuisinières…
L’avantage d’être de corvée de cuisine ? T’es au chaud devant les plaques de cuisson. Le seul moment difficile, c’est quand tu fais la vaisselle avec l’eau glacial de l’océan.
22h30. Le capitaine a décidé qu’on repartait. On dort quand ici ? T’as bien fait de pas aller te coucher, on est passé entre d’énormes icebergs plus hauts que le voilier, à moins de 10m de chaque côté. 1h de navigation pour se trouver une crique tranquille à l’abri des icebergs dérivants. Ça va permettre d’éviter les tours de garde nocturne cette nuit. Tu t’en fou…t’étais pas de quart avant 8h demain matin.
Quitte à se répéter, t’es assez surpris par le nombre de voiliers. On a rarement passé une nuit sans qu’il y ai au moins un voilier pas très loin. Cette nuit on s’est même attaché le long d’un autre voilier. Le gars, un brésilien, avec son simple voilier d’une vingtaine de mètres, est juste multi millionnaires…
5 janvier – Dérapage chez les manchots catholiques 
Vous savez à quoi qu’on reconnaît qu’il fait de plus en plus froid dans le bateau ? La buée quand on respire ? Ahha, la buée est là depuis longtemps. Quand il faut chauffer la bouteille d’huile d’olive au bain Marie pour la dégeler ? Pareil, c’est déjà le cas depuis plusieurs jours. C’est quand ton dentifrice glacé commence à sortir difficilement du tube. Là, ça craint. Et quand le capitaine met des chaussettes dans ses crocs c’est que tu vas pleurer des glaçons.
Comme tous les jours, temps gris de chez gris. Tout le monde pense au bateau qui est revenu quand on partait d’Ushuhaia. Ils ont eu 14 jours de soleil, les chanceux. Nous, pour l’instant deux fois 2 heures.
C’est l’occasion de vous parlez de Magda, ta coloc de cabine. Elle a dû être otarie dans une autre vie. Elle ne voyage que dans des régions polaires ou du moins très froid. Pas prêt de la croiser sur une plage en Thaïlande la Magda. Et on déconne pas côté fringues, le bonnet des îles Georgia, le pull du Spitzberg… Mais chuuutttt, faut pas lui dire que c’est pas fabriqué où elle les a achetés… Depuis qu’on a traversé le canal de Drake, elle a un sourire béat, elle dort à peine pour ne rien rater. C’est la seule qui s’extasie encore sur ce genre de paysage ci dessous.
Oui, ça se comprend pour quelqu’un qui a toujours vécu en plein Amazonie mais pas pour une ancienne otarie. Au fait, son rêve, voir des orques, orgasme garantie…
Le capitaine vient juste de te mettre le moral à zéro. Ça fait 15 ans qu’il vient chaque année plusieurs mois en Antarctique. C’est la première fois de sa vie qu’il a ce temps en janvier qui est censé être le meilleur mois de l’année avec quasiment que du soleil. Et le coup qui t’achève…les prévisions météos sont pas meilleures.
Le vent s’est levé. Toi, bêtement, tu penses que c’est plutôt bien pour un voilier. Que neni, espèce de gros marin d’eau douce. Dixit le capitaine, quand on passe à moins de 10m d’un iceberg, le vent ou une mer agitée ne sont pas une très bonne chose. C’est vrai qu’à une seule exception dans un endroit dégagé où on a mis les voiles, on navigue au moteur. Pareil pour les autres voiliers.
T’as fait passer un message au capitaine en lui laissant entendre que t’aimerais bien faire une connerie, s’approcher d’un iceberg en dinghy et monter dessus…
Prochaine étape, l’île de Petermann. Il y a un endroit abrité dans une baie accessible par un chenal très étroit. Il y a quelques années, le vent a poussé un iceberg qui a bloqué le canal. Ils ont dû attendre 3 jours que le vent cesse pour arriver à repousser l’iceberg et sortir. Une fois, en hiver un couple de français est resté coincé beaucoup plus longtemps. La mer a commencé à geler, la bouffe à manquer. Voilier coincé, ils sont partis à pieds sur la glace avec leurs gamins pour rejoindre la base ukrainienne Vernadsky qui est à 10 bornes.
A l’ancrage, en plus de l’ancre, il faut installer des cordes fixées sur les rochers pour immobiliser le bateau. Et là c’est le dérapage… Une nageoire de la Magda glisse sur un rocher et elle se retrouve dans l’eau glacé. C’est la seule qui aura pris un bain du voyage…
En surplomb du voilier, plusieurs nids de manchots. Vue et odeur imprenable.
L’après midi sous la pluie, petite balade histoire de discuter avec les manchots. On est dimanche, ils sont tous en pèlerinage à une croix. T’essayes de faire des photos avec ton téléphone, le froid a bloqué l’écran. Tu prends ton appareil photo. En arrière plan des montagnes dans les nuages, superbe. Une fois rentré au voilier tu réalises que ton objectif était couverte de gouttelettes, aucune photo correcte…..
6 janvier – Tête à tête avec un manchot
T’y es retourné le lendemain pour refaire des photos, c’est lundi, pas de messe, quasi plus un manchot à la croix et tout est dans le gris des nuages. En contre partie, t’as le droit à une baleine à moins de 10m du bateau..
Direction l’île de Yalour. C’est là où on peut, sur un malentendu, tomber sur une orque qui cherche un casse dal à base de manchots. La navigation est très lente car l’océan est couvert de gros glaçons. Encore la veille, on naviguait près de gros icebergs, maintenant, l’océan est vraiment couvert de milliers de morceaux de glace.
Sur l’île Yalour, visite des colonies de manchots Adelie (du prénom de la femme de Durmont d’Urville).
Autant les manchots gentoo sont curieux, autant eux ont en rien à foutre. Ils sont différents, la tête toute noire et au lieu de se dandiner sur la neige, ils préfèrent ramper et glisser en s’aidant de leurs nageoires.

Au retour, la bouffe n’est pas prête, on peut vraiment pas compter sur les polonais !! En attendant le capitaine t’enméne en dinghy sur un petit iceberg. Il est plutôt plat, il devrait pas se retourner… Te voilà dessus à faire le con quand un curieux à plumes débarque. Un manchot gentoo a jailli hors de l’eau pour sauter sur l’iceberg et voir qu’elle est cette étrange bestiole. Il te regarde. Tu le regardes. Tu t’agenouilles pour paraître moins grande perche. Il doit être à moins de 2 mètre de toi. Tu grattes la neige, histoire de l’attirer. Il se rapproche d’un mètre. Il te regarde puis une fois qu’il s’est dit que ce grand machin bizarre n’avait rien d’intéressant, il a replongé sans même laisser son contact whatsapp.

On retourne au voilier qui est entouré d’icebergs plats. Entre temps quelques manchots se sont pointés sur un des proches icebergs pour nous regarder. Par contre les 5 phoques qui roupillent nous ont à peine jeter un œil…
1h30 de perche à l’avant du voilier à repousser les glaçons, ça réchauffe. Direction la base polaire ukrainienne de Vernadsky.

C’est les rosbeefs qui leur ont refilé la base il y a quelques décennies. On y est le jour de l’épiphanie, le Noël orthodoxe. 2 autres voiliers, des ukrainiens. Ce sont des comiques les ukrainiens, ils ont peint des palmiers sur un de leurs bâtiments. Bien sûr, t’as la chapelle mais aussi le terrain de foot.

La base est au milieu d’une colonie de manchots gentoo. Ceux là sont vraiment habitués à l’homme car ils ont construit leur nid en plein milieu de certains accès où tu marches à moins d’1 mètre d’eux.
On a pu passer la soirée dans leur base…en t-shirt, sans bonnet, le paradis. Des radiateurs qui fonctionnent, une cuvette de toilette non glaciale, une petite salle de sport, une salle cosy avec un billard, un vrai bar…le paradis. Oui, tu te répètes, le paradis. T’imaginais pas ce confort dans une base polaire. En hiver, ils restent coincés 7 mois sans que personne ne puisse venir (sauf les piétons qui ont leur bateau coincé dans la glace…).
Il y a en moyenne une vingtaine de personnes dans la station, des météorologistes, biologistes.
Histoire de s’occuper…les mecs font leur propre alcool en distillant du sucre mélangé avec de la levure. Bien sûr, on a eu le droit à plusieurs tours de dégustation. Du 40° pour les invités. Tu leurs as dit que c’était pour les petites filles. Ils ont sorti celui qu’ils gardent pour eux à 45°. Mouais…ils en ont pas pour les grands garçons?
Alors pourquoi shadock des glaces. Voilà comment ça se passe quand tu vas aux toilettes. Tu fais à ce que tu as à faire. Attention, très important, c’est la première chose qu’on t’a expliqué lorsque t’es monté à bord, tu dois être assis sur la cuvette glacée même pour la petite commission. Ensuite c’est shadock time. Tu pompes manuellement pour renouveler l’eau dans la cuvette. Ensuite tu repompes à nouveau pour enlever l’eau de la cuvette. Puis tu veux te laver les mains.
Pour économiser sur l’eau douce, le robinet fonctionne sur le principe de pompe que tu actives avec le pied. Pareil pour la cuisine, les 2 robinets eau douce et eau de mer fonctionnent avec des pompes au pied.
Ricardo shadok