Le pico Turquino, ça vous parle ? Le plus haut sommet de Cuba qui tape juste en dessous des 2000m d’altitude (1974m exactement). Vous allez dire, ouais, fingers in the noze pour un charlot qui revient d’un mois de trek au Népal. Alors, les fingers, va falloir les sortir du noze car ça fait 1 mois que t’es revenu donc tes globules rouges supplémentaires sont en RTT. Tu pars au niveau de la mer donc t’as 2000m de dénivelé positif pour une distance de marche de 10 bornes. Ça fait du pentu. Ensuite tu dois renquiller la descente. Forcément 2000m de descente. Même sur ta plus longue journée l en descente au Népal t’as pas tapé 2000m. Rajoutez que pour y aller, t’as 2h00 de bagnole à 3h30 du matin (où t’espères roupiller) et enfin pour sublimer le tout une température proche des 30 degrés. Ça va faire mal ? Certainement !

Ah oui, feuille de menthe sur le mojito (c’est la version locale de cerise sur le gâteau, mouais pas de cerises ici, embargo…), t’as pas non plus ton sac à dos de trek mais un vulgaire sac de daube pas fait pour porter 4-5litres de flotte. Ca va faire mal ? Re-certainement !

Pour info, si un jour vous voulez y aller, demander à votre casa de vous l’organiser, c’est deux fois moins cher qu’avec une agence gouvernementale !

 

Dring-dring. Hein? Qu’est ce qui se passe ? Ah ouais, 3h15, faut se lever. Tu pars pour une journée qui va piquer.

Tu sautes dans le taxi qui va te conduire au point de départ. 4h15, contrôle de police. Ils ne chôment pas ici. Et quand un policier te demande de prendre un des potes dans ta bagnole, aucun chauffeur de taxi ne refuse.  Bon, on freine encore. Que pasa? Un autre auto-stoppeur ? Non, un bourrin en plein milieu de la route. Dommage qu’il ait freiné, on aurait eu des lasagnes ce soir… Ensuite, ce sont des vaches qui badinent en plein milieu de la route. Entre les bestioles et les énormes trous dans la route, t’es sûr que le chauffeur ne va pas s’endormir au volant.

Las Cuevas, point de départ, il est 6h20. Après la paperasse administrative à remplir, tu pars avec ton guide. Un gars de la communauté (ils disent pas village ici). Tu le vois le sommet Turquino, il a vraiment pas l’air loin. On t’annonce qu’il a plu hier donc ça va être boueux. Cool ça va te rappeler ta première semaine au Dolpo. T’enlèves t’es sandales et tu passes en mode chaussures de trek.

Ton espagnol étant limité, toute question de ta part sur la végétation aurait été compliquée et surtout t’aurais compris quedchi dans la réponse. T’as surtout des d’immense fougères, ouais plein de trucs verts. Les ecolos, vous zoomerez sur les quelques photos.

Côté bestioles, il y aurait quelques piafs et du cochon. Tu confirmes, une grosse laie avec ses petiots était en train de retourner une partie du chemin.

C’est l’heure d’enquiller la montée. Le guide est souriant et a l’air sportif. Ils sont 4 guides à tourner et quand c’est pas son tour, il est dans les champs ou à la pêche. Il est monté 75 fois au sommet. En moyenne il met près de 5h pour atteindre le sommet. En solo il a mis 3h20 et le record est tenu par un trailer autour de 2h. Et pour les baltringues sous perfusion de bières et mojitos, faut compter combien de temps?

Vu le dénivelé, tu t’attends à ce que ça fasse mal d’entrée. C’est vrai que ça pique sur le premier kilomètre mais c’est rien en comparaison des suivants. Ils ont installé des grosses branches au sol pour servir de marche. A un moment, t’es à la limite de l’échelle tellement c’est pentu. Histoire de déconner, t’es parti devant. Le guide doit se demander à quel moment tu vas lâcher. C’est vers le cinquième kilomètre que tu vas comprendre qu’à ce rythme t’es bon pour un rapatriement sanitaire. Le guide passe devant mais il ne diminue pas le rythme, le bougre. T’es à la dérive derrière.

Côté vue, c’est simple, t’es dans la jungle donc tu vois quedal de chez quedal. L’avantage, t’es protégé du soleil et ça cogne moins. Enfin, ‘moins’ c’est relatif. Vu la température, on peut te suivre à la trace des gouttes de sueur qui dégoulinent de partout.

Par moment, t’as l’impression que le chemin a été creusé dans la terre tellement la jungle est au-dessus de nous. La boue, ouais y en a un peu, juste histoire de pourrir tes pompes. Les photos ne donnent pas cette impression, mais, la vache, c’est pentu.

Pour atteindre le sommet, tu passes par plusieurs petits sommets intermédiaires. On a mis 2h et environ 7km pour atteindre le pico Mar Verde à environ 1200m d’altitude. T’en as déjà plein les pattes. C’est plus tard dans la montée que t’auras, à de rares moments, une vue dégagée sur la côte d’où t’es parti.

Un petit calcul, t’as quasiment fait les 2/3 du dénivelé pour 7km de distance. Il te reste 5 bornes pour 600m de dénivelé. Mathématiquement, ça devrait faire moins mal. Direction le prochain pic, pico de Cuba. Bon, peut-être que mathématiquement c’est vrai, mais physiquement t’as déjà 1200m de dénivelé dans les pattes en juste 2h. Tu ranges ton fichier de calcul dans ta poche et tu souffres en silence. Tes jambes te préviennent, elles vont t’intenter un procès pour agression prémédité.

On passe devant la statue d’un héros local Frank País avant d’atteindre le Pico de Cuba.

A de rares moments, on est vraiment sur la crête où on peut un voir le paysage à la fois d’où t’es venu mais aussi de l’autre côté du pic.

Il y a un autre chemin, beaucoup plus court et facile mais le départ est trop loin de Santiago. Le guide est toujours devant toi à 10m. T’as l’impression qu’il se force à aller doucement, le bougre.

On arrive enfin au sommet du Turquino, en fait c’est une zone plate avec la statue de José Marti. Rien concernant Fidel, tout se perd. On est entouré de verdure, on ne peut rien voir.

On a mis 3h20 pour monter. Comme quoi le dopage au mojito… Tu te demandes quand-même si le guide n’a pas voulu faire un score.

Bon, c’est sympa là-haut, il fait frais mais on a quand même près 2000m de dénivelé négatif à se taper. C’est pas compliqué, on a quasiment couru tout le temps dans la descente sauf dans les passages boueux où la gamelle n’était jamais loin. Résultat, un Ricardo sur les genoux et un guide qui est allé voir ses potes pour dire qu’il avait fait son meilleur temps aller-retour de tous les temps T’es content pour lui…

Il est 12h, t’avais prévu de déjeuner au sommet…. Euh, y remonter ? Non, mieux, le taxi va t’amener à un petit resto en bord de mer.

La côte est très sauvage. Des petites plages souvent de gros galets et quelques-unes de sables sombres. Quasiment personne se baigne, faut avoir une bagnole pour venir jusqu’ici et peu de cubains ont cette chance.

Au début tu ne comprenais pas pourquoi le taxi klaxonnait souvent. En fait, c’est quand des femmes marchent le long du bord de la route. Ouais uniquement pour les jeunes, pas pour les mamies.

Ah, encore un flic qui nous arrête, cette fois avec toute sa famille. Il est devant un super complexe touristique. Il a été construit pour les vacances des militaires… Bien sûr on l’a pris en stop alors que les autres gens qui font du stop, ils peuvent attendre. Le prestige (ou la trouille) de l’uniforme.

Discussion avec le taxi autour d’une énorme tranche de barracuda grillé et une bière glacée. Ben ouais, faut bien récupérer un peu !

Beaucoup de choses s’éclairent. Le gouvernement veut des devises. Pour cela, tous les supermarchés (ils appartiennent tous à l’état) sont accessibles uniquement à ceux qui ont une CB. Mais, tu ne peux avoir une CB qu’en Euro ou pound. Tu ne peux pas déposer du péso cubain.

Donc, si tu veux acheter des pâtes au magasin, tu dois pouvoir les payer en euros. Vous voyez le côté vicieux du truc ? Si tu ne travailles pas en contact avec les touristes, tu n’as aucun moyen pour acheter tes pâtes au magasin. Donc, ceux qui ont une CB achètent des quantités de produit et le revendent en péso au marché noir deux fois le prix normal. Donc, le même qui est pauvre paye 2 fois le prix d’un mec qui a des devises. C’est certainement pour ça qu’hier, il y avait un monde dingue sur deux stands, l’état (y avait les flics) a dû organiser une vente où tu payais en péso. T’as certains produits comme le fromage que tu ne trouves qu’au marché noir.

Ricardo, en procès avec ses jambes