Yo,
Ah oui, le mec de l’agence t’avais dit que comme c’est un parc national, les bouteilles en plastique non recyclable sont interdites. Ah, c’est balo, t’as oublié d’en acheter, donc t’es avec des bouteilles en plastique polluant.
On est 12, tôt le matin à 4h30 le bus vient nous récupérer à nos différents hôtels. Alors qu’on est déjà en retard une future star n’est pas prête. Finalement elle débarque, une chinoise aux cheveux blonds, habillée d’un poncho multicolore, des immenses faux ongles multicolores, un iPhone à la main et de l’autre elle tire une immense valise. Euh, elle est au courant qu’on part en montagnes pendant plusieurs jours? Les 2 guides se regardent et appellent l’agence pour savoir ce qu’il faut faire.
3h de bus plus tard, le bus nous lâche à notre point de départ, les affaires de la valise sont transférés dans un sac. T’es avec une agence qui se veut milieu de gamme d’où les 2 guides, un cuistot en toque jaune, son assistant et encore deux autres personnes pour s’occuper des mules.
En plus de la chinoise, 2 canadiens, 2 belges, 2 allemands et le reste de la grenouille. La plupart font un trek pour la première fois et sont pas rassurés, ça promet. Tu regardes les bouteilles de flotte, y a qu’un couple de français qui a suivi les conseils. Si même les allemands n’écoutent plus les règles, ou va t-on ?
Un guide devant, un guide derrière et c’est parti. Bon, le guide de devant marche 200m en avant sans nous attendre, sympa. Même sur des légères montées une grosse partie du groupe a du mal. Et bizarrement on ne voit aucun autre groupe de gus en sac à dos. Apparemment chaque agence a son chemin.

Côté paysage, on marche à flanc de montagnes mais sans le côté impressionnant du canyon de Colca. Côté météo, comme d’hab, du gris. Puis, c’est sympa de longer un canal avec des bâches en plastique… Finalement, au loin, on voit tout un ensemble de bâtiments et on réalise qu’il y a une piste carrossable 200m plus bas que le sentier. Puis tu vois plein de camps en ‘dure’ souvent sous forme de bulle, genre t’es sur la lune, puis un parking avec 50 minibus garés. Ah ouais, côté perdu dans la nature, c’est pas gagné. C’est quoi ce bordel ?

L’agence avait dit aux autres que leur camp était séparé des autres. C’est vrai, notre camp est collé au parking de bus alors que les autres camps sont plus hauts. Le guide explique qu’il y a 3 ans, il n’y avait aucun camp fixe. Comme le fameux Inca trail est limité à 500 personnes par jour, le trek du Salkantay a explosé et les agences ont construit plein de camps pour accueillir dignement le tourisme de masse. Dans 3 ans, c’est sûr, t’as un Campanile et un Hippopotamus ! Enfin des mecs orientés business ! Celui qui est venu marcher ici il y a quelques années, faut surtout pas qu’il revienne car il va pleurer.
Et la meilleure, t’as des petites boutiques qui vendent de tout dont plein de bouteilles en plastique. T’en as 2 qui se sentent pas couillons.
On est 12, il y a que 5 bulles avec 2 lits. L’agence t’avait dit que comme t’étais le dernier inscrit, donc 12eme, t’aurais une tente et pas une bulle. Idem pour un couple de français. 5 couples prennent chacun une bulle et la chinoise seule prend la dernière. Tu vas la voir pour voir si tu peux prendre le 2éme lit, que neni. France 0 – Chine 1. Ouais, le français impressionne. Donc tu rabats sur une tente. Les bulles ont des ‘plafonds’ en verre mais pas assez transparent du coup la nuit, ils ont pas vu le ciel étoilé. Gros scandale, la chinoise qui passe son temps avec son iPhone n’a plus de batterie et on l’avait pas prévenu qu’elle pourrait pas recharger en pleine montagne, le drame absolu. Toi, t’as amené une grosse batterie mais t’as stupidement oublié de lui proposer, les autres aussi ont oublié. France 1 – Chine 1
Le chef a mis sa toque pour nous cuisiner des plats qui arrivent tous froid. Il bosse, les autres le regardent bosser, on se croirait dans l’administration française.
Explication sur tous les bus : à quelques kilomètres, il y a un très joli lac, le Humantay et beaucoup viennent juste à la journée. L’après-midi est prévue pour aller à ce fameux lac. On est arrivé au camp super tard donc on décolle qu’à 15h avec un temps qui se couvre de plus en plus. Aucun guide ne peut nous dire grosso modo combien de temps il faut pour monter pourtant ce sont des vrais pointures. On part, on passe à côté de ‘bulles’ super luxe avec salle de bain intégrée. On traverse différents camps, on voit toujours personne, bizarre de chez bizarre. Il commence à pleuvoir un peu puis beaucoup. Les allemands annoncent qu’ils font un refus d’obstacle. Ça flotte vraiment beaucoup. Il fait déjà sombre, le lac est dans un endroit encaissé, le ciel est pourrave de chez pourrave. C’est un truc à rentrer les grolles trempées pour pas grand chose surtout que le guide t’annonce des durées de marche aberrante. Donc, t’annonces que tu fais aussi trompette et d’autres se joignent au concert. Dans la redescente on s’est fait punir par la grêle. Et ouais…
Retour au camp, les gars avaient fait un feu histoire de se réchauffer. 3h plus tard, les 3 courageux sont revenus trempés mais fiers de nous montrer leur photo d’un lac dans l’ombre. Et encore, ils ont eu du pot, la pluie s’était arrêtée. Dîner de truite et légumes froids.
Lendemain matin, grand ciel bleu qui nous permet de voir au loin le sommet enneigé du Salkantay. Tous ceux qui ont dormi dans les bulles se sont pelés de froid. Alors que sous la tente t’as bien dormi. France 2- Chine 1. On doit être super lent car ils nous ont fait lever à 5h du matin. 6h, on est tous prêt à partir, les canadiens ont beau voir qu’il y a 10 personnes sac sur le dos prêts à partir, il leur faudra 30 minutes pour arriver à ranger leur 3 affaires dans leur sac.

On commence à marcher et là, incompréhensible, il y a du pimpims avec du sac à dos partout. Mais ils sortent d’où ? Mais il y a pas 3-4 pekins, ce sont des dizaines et des dizaines, un raz de marée. Un guide part devant, les 2-3 qui ont un peu de condition physique partent derrière lui et ensuite toutes les trompettes se mettent en formation fanfare. C’est le jour du col à 4600m, certains sont inquiets. T’as un paquet de trompettes sur le chemin mais tu pensent que les champions sont quand même dans ton groupe. Certains groupes montent même sur des chevaux. Tiens, sur le bord du chemin, des petites cahutes vendent des boissons dans des bouteilles en plastique. Le mec de l’agence avait dit qu’il pouvait y avoir des contrôles avec confiscation des bouteilles plastiques. Ahah, ils font ça, ils tuent le petit commerce.


Tu passes ton temps à attendre le reste du groupe. Le ciel se couvre de plus en plus. Avant le col, t’as déjà les pieds dans la boue et la neige. Tu comprends pas ce que font les autres car tu vois passer des gens que t’as jamais doublé et qui pourtant vont pas vite. Ça veut dire qu’ils ont même dépasser les trompettes. Ah, oui tu vois arriver la canadienne sur un cheval avec le cuistot. Problème d’asthme apparemment.
Parfois des groupes s’arrêtent au même endroit où tu attends les autres. Et étonnement, leur guide leur donne plein d’informations. Une retient ton attention, faut pas trop traîner, c’est un temps à prendre de la pluie bientôt.

Toi, la seule information que t’auras eu de ton guide est l’origine du mot ‘lama’ mais ça semble un gros pipeau. Ça viendrait de l’époque où les espagnols ont débarqué et ont demandé aux locaux en montrant les animaux ‘como se llama?’ et les autres comprenaient ‘llama’ et ont repéré lama alors qu’en quechua, on dit ‘suri’. Voila c’était la minute Trivial Poursuit, question culture.
T’arrives au col, t’es en short, fait un peu frisquet. Tous les sommets sont recouverts de nuages. La canadienne est déjà là, forcément, un cheval ça aide. Tu te casses car aucune idée quand vont arriver les autres. Finalement on se retrouve tous ensemble direction le déjeuner. Et là, recauchemard. Les locaux ont construit des petites maisons en briques qu’ils louent aux agences de trek. Et quasiment toutes les agences se retrouvent les unes à côté des autres, chacune dans sa bicoque avec son cuistot en toque (toc). Autant le passage du col est assez sympa si tu fais abstraction des dizaines de pingouins mais se retrouver tous à côté pour le dej dans une endroit fermé sans vue sur les montagnes. C’était pas compliqué de nous filer un ‘paquet pique nique’ et s’installer tranquillement dans la verdure sans personne autour. Alors c’est vrai, on a le droit à des frites. Tout le monde pensait se jeter dessous, du carton, les belges ont failli porter plainte pour agression gustative. Le steak, de la semelle. Ils feraient plus simple et tout le monde serait plus content.
Côté canadienne, ça va pas du tout, elle est couchée sur une bâche.

Le temps s’aggrave, tout le monde a sorti son poncho ou son sac poubelle. Handy Bag a un potentiel de développement incroyable ici. Dans la descente t’as perdu tes lunettes de soleil mais vu le temps pourri.
Changement complètement d’environnement, fini le côté minéral, on est en sub tropical avec de la verdure partout.
On arrive au camp juste quand il se met à pleuvoir et là, respect, on un camp où il n’y a aucun autre groupe, super tranquille. Les autres agences sont installées plusieurs kilomètres plus bas les unes à côté des autres. Il y a même 2 douches. T’as un peu crié quand l’eau a touché cette partie de ton corps. La belge se pointe et demande où est l’eau chaude ? Au même endroit que les prises électriques, en ville…
Le canadien cherche les 2 guides car sa femme va vraiment pas bien. Les 2 pointures ont du remonter à une cahute se taper des bières. C’est le cuistot qui sort la bouteille d’oxygène et un étudiant en médecine du groupe qui va voir ce qui se passe. Très mal au crâne, difficulté à respirer, ça pue. Le shoot à l’oxygène va lui permettre de récupérer. Les guides réapparaissent tranquillement 2h plus tard.
Le soir, à 18h30 (oui, c’est cette heure qu’on appelle le soir ici), attention, on a le droit à 2 bouteilles de vin rouge, sympa.
Lendemain, rebelote, tout le monde est prêt à partir alors que le canadien se ballade avec une casserole d’eau genre je vais faire ma toilette. Pas gêné, pas un mot d’excuse.
Ce coup-ci il pleut juste au moment où les canadiens sont prêts à partir, quel timing. Et plus on descend, plus il pleut, tout est couvert de nuages. Au bout de 40 minutes de marche, arrivée au bled où la plupart des autres agences sont installées, ceux qui font 5 jours continuent à pied alors que les 4 autres (dont toi) prennent une bagnole. Vu la flotte qui tombe, tu te dis que pour une fois, t’as fait le bon choix. Tu sens que d’autres seraient bien montés dans le collectivo. Et le pire c’est que quand il pleut, les guides font marcher les gens sont sur la piste boueuse plutôt que sur un petit chemin dans la jungle, la double punition. Certainement très sympa leur 3h de marche sur une piste boueuse. Nous, en 40 minutes, on est arrivé au village. La chinoise est sauvée, elle peut recharger son iPhone depuis elle le lâche plus. En théorie, on doit se taper 2h de montée et 3h de descente pour rejoindre la gare ferroviaire. Vu le temps, on a voté à l’unanimité la location d’un taxi pour qu’il nous emmène à des hot springs puis nous dépose à la gare. Du coup, au lieu de crapahuter dans la boue sous la pluie, tu fais trempette dans des jolies bassins d’eau super chaude. C’est là où tu vois que t’as vieilli. Y a encore quelques temps t’aurais signer pour en chier. Mais bon, comme il y avait la majorité pour la baignade…
En résumé, grosse déception sur le trek de Salkantay, trop de monde, trop de camps en dure, impossible de se sentir perdu dans les montagnes. Et dire qu’il est noté dans le top 20 des plus beaux treks au monde. Ça devait dater avant l’époque béton. Mais même sans ça, y a pas photo avec la cordillère Huayhuash.

Alors la gare ferroviaire, c’est plutôt juste la fin de la ligne. Soit tu marches 3h le long de la voie soit tu payes 35$ pour 40 minutes de train. Oui, au Machu Picchu, il y a tellement de touristes que tous les prix sont délirants. La voie serpente à travers les montagnes resserrées couvertes de jungle. Si un jour tu reviens, tu feras le chemin à pied car il était superbe. Tu peux même voir un chemin qui coupe la falaise pour rejoindre le Machu Picchu. Apparemment, il y a plein de chemins pour rejoindre le site mais seul 2 sont ouverts au public.
Le train arrive dans la petite ville d’Agua Caliente où plutôt GringoLand. Incroyable, tu sors du train, on est des milliers de gringos. Tu dois avoir 50 stands côte à côte qui vendent des babioles made in… Des ruelles qu’avec des restos qui essayent de t’accrocher. Que ça soit dans les bars ou dans les épiceries, les prix sont le double de la normale.

C’est un tel business que ça construit dans tous les sens de manière anarchique. Au début, tu comprends pas. Ils habitent ou les vrais gens ? Et en fait, derrière la gare t’as un quartier beaucoup plus simple où habitent les péruviens. Une sorte de ghetto à côté de GringoLand. Pas une bagnole, pas une moto, c’est interdit, que du piéton et c’est super agréable.

Toque Ricardo