Yo,
Pétage de plomb…
T’as un trek, le trek de Takesi qui démarre pas très loin de La Paz, qui passe par un col à 4600m et redescend dans l’autre vallée. Les agences le donnent pour 3 jours de marche et camping. A l’office du tourisme, t’as récupéré les distances entre chaque étape.
Ça semble pas délirant, t’as décidé de le faire en une journée. Ouais, ça risque d’être sport. T’enmene au cas où ton sac de couchage et ton poncho qui fait bâche. Au pire si ça se passe mal, tu te mets à l’abri d’un rocher et tu passes une très mauvaise nuit. Côté bouffe. Tu pars avec 2 morceaux de pain et des biscuits. Vu l’état dégueulasse des ruisseaux que t’as vu pour l’instant, tu pars avec 3 litres de flotte et une paille filtrante. Pas de tente, pas de réchaud, en gros, t’as pas trop le droit de te planter. Tu sais qu’au dernier village, y a la possibilité de dormir dans une auberge.
Lendemain matin, tu prends un Uber pour aller au point de départ. Uber déconne complètement et te file un prix ridiculement bas par rapport à la distance. Du coup, tu files le double du prix au chauffeur pour qu’il ne perde pas sa matinée. Ouais, t’as échappé à Dalida. Te voilà au village de Choquekota. Tu te dis que t’es un peu lège côté bouffe et tout ce que tu trouves ce sont des gaufrettes style carton. Mouais, c’est pas ça qui va remplir ton estomac vide.
Tu pars sur la piste qui ensuite se transforme en chemin. Il faut savoir que c’est un chemin inca. Donc à certains endroits, le chemin est large, histoire de faire passer deux bagnoles, pavé de pierres. Là, tu sens que le mec responsable de ce tronçon aimait le travail bien fait. Et sur d’autres tronçon, t’as 4 pauvres pierres sur le chemin, histoire de dire qu’un mec a fait semblant de bosser.
Vu le chemin, difficile de se perdre surtout que des porcasses ont laissé traîner des déchets par moment.
Tu tapes la montée au col en faisant super gaffe, c’est pas le moment de se blesser.

De l’autre côté du col, c’est que de la descente à perte de vue. Première agression, un vieux monsieur en bord du chemin (à se demander ce qu’il fout là) t’arrêtes pour te serrer la main et te dire bonjour. 2 minutes plus tard, un groupe de boliviens en pause te lance un buenas dias. Et enfin, le pire, un groupe de 6 boliviens pas très jeunes (ouais, apparemment t’es sur un trek pour vieux, ça tombe bien…) dont l’ancêtre veut pas lâcher ta main. Quand sa femme a su jusqu’où t’allais, elle s’est dit qu’il fallait que papy lâche ta main sinon jamais tu y arriverais. Après ces 3 agressions, tu verras plus personne pendant les 6 prochaines heures de marche. Et quand tu vois ce que t’as marché, respect pour ceux qui le font dans le sens inverse, ce n’est quasiment que de la montée.

Côté paysage, pour l’instant, t’as pas le waouh de la vallée des Animas ou du Condoriri.
T’as du sous estimer les durées et les distances car t’as l’impression de pas avancer alors que tu fais aucun stop. 1h30 après le col, t’arrives enfin au premier spot, Takesi, un gus, 5 vaches et une vingtaine de lamas avec percing fushia.

Tu pousses jusqu’au prochain spot, Kakapi, la vache 2h pour faire 8 kilomètres en plus quasiment en descente pète genoux. Ils sont sympas les incas de mettre des caillasses au sol mais ça tape sur les genoux. Cette partie du chemin est superbe, t’es à flanc de montagne sur un chemin large de 50 cm et de l’autre côté, tu vois des étroites vallées couvertes de jungle qui s’enfoncent. Pas une trace humaine, pas un chemin, peut être qu’au bout t’as un nouveau Machu Picchu. Même si la vue est superbe, tu fais gaffe où tu mets pieds plein de cloques, ouais tu les sens bien, car c’est pas le meilleur endroit pour se tordre une cheville.

Au fond de la vallée coule une petite rivière qui serpente entre de gros rochers blancs de chez Calgon.

T’as vraiment sous estimé les distances et tu commences à en avoir plein les pattes.
Tu vois au loin la prochaine étape, un camp de mineur. Par contre faut se taper toute la descente dans la vallée, longer la rivière et remonter et ça plusieurs fois.
C’est sans fin, t’as mangé les quelques trucs que t’avais pris et il te reste un fond de flotte. Il est plus de 15h.

Tu traverses la mine la Chollja. A l’odeur et à la couleur de la rivière qui y passe, ça doit être une mine de souffre.

Apparemment, tu peux dormir dans le camp des mineurs, mais euh, bof. Et la dernière étape, le village de Yanacachi est à 5 bornes. Et là-bas tu sais que tu peux y dormir sans tente.
Tu marches sur la piste qui mène à la mine. 1h plus tard, t’arrives à l’entrée du village. Tu braques la flotte de la mamie qui tient la boutique. Elle te dit que le collectivo pour redescendre dans la vallée est demain à 14h. Ah ouais, ça va faire tard. Tu pars en direction du centre du village quand tu vois une bagnole venir dans ta direction. Le mec avec sa famille descend dans la vallée. Hop, t’es assis à l’arrière. 20 minutes de piste plus tard, t’as rejoins la route de la vallée, celle qui doit te permettre de retourner à La Paz. Il est 16h30, t’as 3 minuscules boutiques, rien d’autre. S’il est trop tard pour les bus, la nuit va être longue. Le seul truc qui te rassure, c’est que 2 cantonniers attendent aussi.
Premier minibus qui passe est complet. Puis tu vois arriver une sorte d’épave cahotante, un gros bus qui doit dater de l’époque inca. Un signe de la main et t’es dedans avec les cantonniers. Rarement vu une épave pareil mais il roule et en plus sur une piste super dégueulasse. Le mec qui investi dans un bus neuf sur cette piste pleure au bout de 3 trajets. T’aimerais bien voir une Porsche Cayenne parisienne ici. On a pas dépassé les 10 km/h, dans la poussière en roulant parfois au bord d’à pic impressionnant. Âme sensible s’abstenir. Plus de 2h pour faire les 20 km et rejoindre une route plus correcte. Il est 19h, la journée a été longue et tout ce que tu veux c’est une douche chaude et enlever tes pompes (dans l’ordre inverse). Mais non, trop facile, le bus tombe en panne. Tu sens que c’est parti pour durer. Du coup tu descends et dans le noir, t’essayes de chopper un autre bus mais que dal. Tu vois du coin de l’œil que le bus a enlevé ses warnings. Ça pue. Tu coures pour remonter dans le bus sinon t’es comme un con dans le noir au milieu de nulle part.
T’as vraiment pris le meilleur bus. A chaque péage, le chauffeur refuse de payer le prix et on poireaute. Quand ça veut pas. Mais voyons le côté positif, tu pourrais être seul en plein milieu du chemin avec une cheville foulée.
Changement de programme, tu voulais monter au nord à Sorata, histoire de faire des balades. Mais t’as dîné avec une bolivienne qui t’as dit que du 14 au 18 août tu as une immense fête à Cochabamba. C’est la version bolivienne du carnaval de Rio, inratable.
Ricardo sur les genoux