Retour dans le nord de La Paz direction la petite ville de Sorata histoire de sortir du classique gringo trail.
T’as décidé d’enquiller un trek difficile. Déjà que sur les treks simples et dans les grandes villes, t’as aucune agence qui a suffisamment de touristes pour les faire partir alors faut imaginer dans un bled perdu où peu de pimpims débarquent.
Tu cherches des infos sur internet sur les treks dans le coin, un gars raconte qu’il a été attaqué par 2 bergers armés de bâton. Si c’est pas de la pub déguisée pour Justin Bridoux.

Sorata, sa place centrale, son église…, ‘la casa de guias’ semble définitivement fermée mais coup de chance t’as trouvé le numéro d’un guide plombier qui s’appelle Mario.

Le trek que tu veux faire s’appelle Mapiri, nom du bled où il se termine. C’est un ancien chemin pré incas qui passe par des montagnes remplies d’or. El camino del oro. Tout un programme. Grosse discussion avec Mario et pour des raisons de coûts, on part pour 7 jours en autonomie complète sans porteur. Donc bouffe, tente, sac de couchage, fringue pour le très froid et fringue pour le très chaud. Ca sent le trek à y laisser un genou voir les deux.
Mario a voulu qu’on signe un contrat, bizarre, c’est la première fois qu’un guide veut qu’on fasse un contrat.
T’as trouvé un seul commentaire sur ce trek et il laisse rêveur.
Jour 1 : Première étape, un collectivo pour rejoindre le bled d’Ingenio. T’es assis à l’arrière de profile ce qui permet de bien sentir les cahots et la poussière de la piste défoncée. La piste monte sans fin dans les nuages et grande surprise t’as une vallée ensoleillé de l’autre côté. Elle est bicolore. Grise de la terre et les rochers et orange foncé de l’herbe rase. Rien d’autre, pas un arbre, pas un buisson, la couleur verte a disparu de ce monde. Entre 2 cognages de tête dans la bagnole, t’as essayé de faire des photos.
En fait dans ce coin, les pistes ne servent qu’à desservir les mines d’or qui pullulent dans la vallée. Ingenio sur mine, vous connaissez ? Bon t’y passerais pas des heures. Voilà la photo du centre ‘ville’.
Une fois arrivé Mario, qui en fait est guide et aussi mineur quand il y a pas de touristes, te dit qu’il a discuté avec un guide la veille qui en Mai a du faire demi tour car une avalanche, glissement de terrain ou un truc dans le genre a coupé la piste. Donc ca pue et cet enfoiré le savait et il aurait pu en discuter avec toi avant de partir. Lui, la dernière fois qu’il a fait ce chemin, c’était il y a un an. C’est clair que s’il y a gugus qui se pointe la tronche enfarinée en battant des bras sur la place centrale en criant ‘Mapiri’, il va pas le décourager. Bon, ben, t’as pas trop le choix, on va aller voir en croisant les doigts.
Côté bouffe, tu sais pas trop ce qu’il a acheté mais c’est lourd à porter et le petit sac à dos que t’as pris n’est pas fait pour porter 15 à 20kg. Faudra espérer qu’il pète pas en cours de route sinon c’est la cata. Ouais tu lui as prêté ton gros sac car c’est un guide qui n’a pas de sac.
C’est parti pour une marche sur un chemin pré incas dans les montagnes. A partir de maintenant on doit être autonome sur 7 jours.
On a, quoi, 500m de dénivelé positive, on a bien du faire 5 pauses sur les 2h30 de marche. Vu le bid rempli de bières et les clopes qu’il fume, c’est pas trop étonnant. Toi, t’avais pris l’habitude du luxe avec les mules qui portaient tes affaires. Là, à chaque pas, tu sens le poids des boîtes de thon dans ton dos qui remonte pour cisailler tes épaules.
Mario te dit qu’il y a quelques années, il avait amené 2 touristes israéliens qui courraient dans cette montée et qui ensuite avaient pleuré dans la partie jungle. Oui, apparemment beaucoup pleurent dans la partie jungle. T’as amené des kleenex au cas où. Arrivé au lieu de camping à 4000m, la rivière est asséchée. Gros coup de stress, la flotte c’est ton talon d’Achille. C’est en allant plus haut trouver de la flotte que Mario t’apprend une autre bonne nouvelle. Il y a un jour dans la jungle où il n’y aura pas d’eau donc faudra porter la flotte pour 2 jours en incluant celle nécessaire pour la cuisine. Et il n’a avec lui qu’une bouteille de 600ml. Euh, on peut revoir l’option porteur voir même 2 porteurs ? Putain, çà fait beaucoup de nouvelles pourries pour un premier jour. En plus le soir, un veille copine vient tapoter à ta tente, la pluie. Alors quand tu dis le soir, c’est 18h30… Alors, on a quoi de bon à dîner ? Un paquet de noddle chacun et un thé. Ah ouais, ca fait lège mais c’est vrai on a encore 6 jours de marche
Jour 2 : la tente a givrée dans la nuit mais le ciel est dégagé, pas un nuage. Alors, on a quoi de bon pour le petit dej? Un petit pain avec beurre et confiture, la vache, tu vas perdre du poids à ce rythme. Du coup, tu te dopes à la feuille de coca. Tu récupères ta partie de bouffe à porter. Bizarrement elle est plus lourde que la veille, t’as un paquet de sucre en plus, dingue ce sac qui se rempli de bouffe tout seul.
Sur le chemin, Mario cherche désespérément des bouteilles en plastique que d’autres auraient abandonnés, t’avais jamais vu ça. Oui, on est court en récipient pour le jour J. Le mec sait qu’on va avoir un problème de flotte et il vient sans bouteille. Ca commence à faire beaucoup et c’est que le début. On marche à flanc de montagnes avec une très belle vue et 2 minutes plus tard on est dans la brume. 30 minutes plus tard le soleil réapparaît puis rebrume, indéfiniment.
A 11h, lors d’une pause (parmi tant d’autres), on entend des voix. Des bergers Justin Bridoux? Non, trois locaux qui marchent en sens opposé. Ca discute, ça discute. Et le gars, qui est du coin confirme que le chemin est bien coupé.
Et c’est là où ça part en vrille. Mario considère qu’il n’est pas responsable. C’est sûr, c’est pas lui qui a coupé la route. Mais il le savait avant de partir et il t’a rien dit. Il a oublié de te le dire soit disant, c’est vrai, que c’est pas un point important. Toi, du coup tu veux retourner, quel intérêt d’aller voir un chemin coupé mais Mario veut quand même y aller alors que juste avant il reconnait que si un mec du coin dit que ça passe pas, c’est que ca passe pas.  En plus, il te dit que si on doit faire demi tour, le chemin retour va être mortel, super. Toi t’as déjà tout payé. Et comme on aura fait que 3 jours, tu veux récupérer la différence car il est un peu responsable. Il te sort ce fameux contrat de 7 jours. Ouais, super, on va tourner en rond 7 jours. Du coup, un poil énervé, tu fais demi tour seul avec beaucoup d’intox car t’es pas sûr de retrouver le chemin retour.
Il te rattrape, veut discuter mais veut surtout que tu signes son contrat comme quoi c’est toi qui veut rentrer. Il a peur que t’ailles chez les flics. Tout le problème est qu’il le savait avant de partir et en plus il avait ton numéro de téléphone pour en discuter avec toi.
Retour tendu à Ingenio, sans un mot. Tu passes sur le fait qu’il t’a dit qu’il n’avait pas le numéro de tel du chauffeur qui fait le trajet alors qu’une heure après il l’appelait.
Finalement à 17h30 on est sur une piste retour à 4700m d’altitude avec un pneu crevé. Ouais, y a des jours. Et chaque fois que le chauffeur s’arrête pour regarder ses pneus, t’es légèrement inquiet, on a pas de 2ème roue de secours. Cette fois ci t’es assis devant, avec une superbe vue. La vache, la piste est impressionnante. A chaque tournant, le chauffeur a pas le droit à l’erreur sinon on fait une Grace Kelly. Il avait dit qu’on allait mettre 2h30 pour revenir, qu’on allait voler. Euh, vu les pentes abruptes, on va eviter. I believe i can fly ca sera pour un autre jour.
18h15, la brume vient nous faire la bise, on voit pas à 15m.
18h25, ca s’améliore, la pluie s’invite histoire que la piste glisse un peu plus.
18h35, ah enfin la nuit. On a la totale. Les phares? Oui, y a l’option phare sur 10m max. Ah non pardon, il a des phares plus puissants mais il ne les allume que de temps en temps sinon c’est pas drôle.
C’est clair, en espagnol tu connais les basiques, après ça se complique au niveau compréhension. Mais le truc bizarre, t’as retrouvé à Ingenio les locaux croisés le matin qui avaient dit que le chemin était coupé et ils on été surpris de te voir. Ils pensaient que t’allais à Mapiri. Euh, si le chemin est coupé…
En tout cas, t’imaginais vraiment pas te faire entuber ainsi, c’est une grande première. Comme quoi, il faut bien lire les contrats avant de signer.
Et non, on peut pas considérer que t’es trompette sur ce coup. Ok t’as fais demi tour mais ça compte pas si la route est coupée.
Bon ben du coup retour sur le gringo trail
Ricardo, braqué mais pas comme prévu