Canyon rouge, gros cactus, chapeau de cowboy, chevaux piaffant d’impatience… Bienvenu chez les cowboys boliviens.

T’as le choix entre le chapeau de cowboy ou la bombe. Sans déconner, t’as déjà vu Clint Eastwood sur un bourrin avec une bombe? Ton guide s’appelle Ricardo et le steak sur pattes Indio. Côté touristes c’est plutôt calme donc t’es seul avec le guide.

Côté cheval piaffant d’impatience, tu t’es un peu emballé, toute la ballade se fait au pas.

Si t’aimes pas la couleur rouge ou orange, faut pas venir se balader dans le coin, ce ne sont que des montagnes de différentes teintes de rouge, des buissons et des grands cactus. T’aurais la même chose à côté de Cusco, t’aurais 2000 personnes par jour.

Première pause pour soulager le fondement, la porte du diable, oui, on plaisante par sur les noms ici. Une immense plaque de pierre verticale ouverte en deux.

Deuxième pause, la vallée de los machos, avec des grandes colonnes de terre un peu style cheminée de fée.

La ballade se termine à l’entrée du canyon de l’inca. Bizarre pour des incas, il y a pas de terrasse, encore un pipeau marketing ? On descend des futures lasagnes Spanghero pour s’engager à pied dans le canyon très étroit où il faut grimper sur les rochers. 100m plus loin, on arrive face à un mur de plus de 3m de haut qui est la fin de la balade à pieds. Le canyon fait 7 bornes et tu arrives de l’autre côté de Tupiza. T’aurais eu de la flotte et de la bouffe, t’aurais laissé le guide retourner avec les chevaux mais sans rien, c’est un peu chaud pour y aller. On parlant de chaud, même si on est à 3000m, t’as jamais eu autant chaud en Bolivie. Demain tu vas revenir à pinces, équipé et tu vas tenter la traversée du canyon.

Retour à Tupiza où t’essayes d’organiser le circuit dans le sud Lipez et le Salar de Uyuni. Tu voulais intégrer l’ascension du volcan Licancabur où t’avais été trompette il y a 7 ans mais comme d’hab il y a personne d’intéressé et pourtant t’as fais toutes les agences. Même sur le tour standard de 4 jours, t’as du mal. Bruno, c’est mal barré pour le Licancabur. Faut qu’on revienne à 4, qu’on privatise une jeep et on se fait notre circuit pépère. Ils te font tous croire que c’est sûr, demain ils ont une voiture qui part. Ils ont tous ton numéro Whatsapp et même s’ils cherchent une personne pour compléter la bagnole, ils te contactent pas. Donc faut tourner plusieurs fois dans chaque agence.

Un mec d’une agence t’a dit qu’il faut 7h pour faire la traversée du canyon, que ça peut être difficile et qu’au pire tu peux l’appeler si t’es dans la merde. Ah ouais, quand même. Tu pars avec flotte et bouffe. Et cette fois-ci sans bourrins. Du centre ville, t’as une piste pour rejoindre la piste du canyon. T’as l’impression de marcher dans une décharge à ciel ouvert. T’as un promoteur optimiste qui y construit des pavillons ‘les jardins de Tupiza’. Euh, à part viser une clientèle d’aveugle ou un acheteur sur plan. Ca intéresse quelqu’un ?

A la porte de la mort, tu croises le park ranger à qui tu dis que tu vas faire la traverser du canyon. Grand sourire, pas de problème.

Tu te retrouves face au rocher de plus de 3m. Les pompes mouillés, 3 fois tu t’y prends pour y monter. Ca serait con de se vautrer dès le premier obstacle. Le guide de la veille t’avait dit que c’était la partie la plus difficile du canyon, donc une fois passé t’es confiant. Une fois l’obstacle passé, tu t’enquilles dans le canyon qui fait au mieux 5m de large. En période de pluie le canyon doit être rempli de flotte mais en ce moment t’as juste quelques flaques. Tu serpentes entre les parois avec parfois des passages un peu difficile où la glissade n’est pas trop permise surtout que t’es seul. Le canyon est de plus en plus étroit pour se terminer par une montée où tu rejoins une petite crête. Maintenant c’est la redescente de l’autre côté dans un ruisseau asséché. Jusque là, ça va, assez tranquille. T’as du faire 75% du trajet. De chaque côté du chemin, des parois rouges difficilement franchissables. Puis t’arrives en haut d’un rocher qui doit faire plus de 3m de haut avec quasiment aucune prise pour descendre. Ouais ben même pas en rêve que tu sautes. Tu cherches s’il y aurait un contournement mais que dal. Faire demi tour trompette, pfff. Finalement t’es arrivé à te laisser glisser sur le rocher en demandant à la Pachamama de ne pas te tordre ou péter un truc. Ouais à 20 ans tout est solide, mais à 20 ans et plusieurs centaines de mois, c’est un peu plus compliqué au niveau articulation.

Ok, t’es en bas mais t’auras aucun moyen de remonter si ça se complique plus tard. Sans y croire tu regardes si tu captes avec ton téléphone mais que dal.

T’as plus qu’à avancer. 10 minutes plus loin, c’est la catastrophe. T’es en haut d’un mur de béton de plus de 5m de haut. Là, c’est la grosse galère. Putain, si tu recroises le guide la veille, tu vas lui péter les genoux. Ne jamais croire des mecs qui s’appellent Ricardo. Que faire ? T’essayes de grimper sur le côté pour contourner. Autant en montée t’as peut être une chance d’y arriver mais de l’autre côté faudra redescendre et c’est l’accident assuré.

Tu retournes à ton mur en béton, légèrement inquiet. Sur un des côtés, il y a une sorte de cheminée étroite. En te mettant le dos collé au béton et la plante des pieds sur la roche, tu devrais pouvoir descendre. Première étape, tu balances ton sac à dos en bas du mur. Ensuite tu te colles le dos au béton. La cheminée est trop étroite, t’arrives pas à te recroqueviller assez pour mettre la plante des pieds face à toi pour mettre de la pression et ne pas glisser. Donc t’es pieds essayent désespérément de trouver des appuis. Alors vous pourriez dire qu’il faut se servir de ses bras pour s’aider à descendre. Ouais, c’est sûr, mais quand t’es un charlot avec une capsulite à chaque épaule, c’est plus compliqué. Faut pas vieillir. Finalement en te raclant le dos t’es arrivé à descendre puis à sauter d’une hauteur où tes genoux n’ont pas porté plainte pour agression.

T’as pas fait 50m (en boitant légèrement) que tu vois devant toi le haut d’un autre mur en béton. Oh putain, ca va pas recommencer. Mais ce coup là les parois sur les côtés ne sont pas verticales et il y a un petit chemin. Et de là t’es à moins d’un kilomètre du centre ville.

T’es repassé à l’agence toujours pour essayer d’organiser le circuit sur Uyuni et tu leurs racontes les petits problèmes rencontrés. Et la nana te sort ‘oui, quand des gens veulent y aller, on leur dit de monter jusqu’à la crête puis de faire demi tour’ Euh, et ton collègue sympa de la veille, il pouvait pas te prévenir avant ? Bon, au moins vous, vous êtes prévenus.

Sinon, Tupiza, petite ville tranquille entourée de paysages arides, sa place ombragée avec des grands arbres d’où les oiseaux te chient dessus, sa rôtisserie où tu viens quotidiennement manger du poulet, son petit marché et surtout sa vingtaine de pizzerias.

Ricardo Eastwood