L’ascension du Licancabur, qui est pile sur la frontière Chili-Bolivie, te titille toujours.
Les prix sont chers mais une agence de San Pedro te dit qu’elle fournie pour la sécurité une bouteille d’oxygène et téléphone satellite. Super tu peux partir tranquille !
En théorie, on est 3 français mais juste avant de partir se joint au groupe une chinoise de Hong Kong et en plus la fille d’une amie du guide.
Le couple de français est arrivé il y a 4 jours et ils pensent que passer des cols à 4500m en bagnole va leur permettre de s’acclimater pour taper à pied du 5930m. La chinoise n’avait jamais fait de trek de sa vie avant ces 3 derniers mois mais elle vient de monter un 5300m. On est un sacré paquet de trompettes potentielles.
Première étape, repasser la frontière car le point de départ de l’ascension est du côté bolivien au pied des lagunas Verde et blanca. Si t’es chinois, il faut un visa. La chinoise en a un mais il est single entry et elle vient de quitter la Bolivie. Pas de problème, avec une bouteille de vin pour le douanier, ca passe. Faut voir le poste de douane perdu au milieu de nulle part.
Au bord de la laguna blanca, t’as un petit ‘hôtel’ où on va passer une partie de la nuit. Oui, juste une partie car le départ est à 2h30 du matin. Bruno, c’est un remake d’il y a 8 ans. C’est là où on a retrouvé la fille de l’amie du guide. Elle vient d’avoir 18 ans et nous ignore totalement, ‘i am a fucking facebook star’ et je parle pas aux vieux de plus de 20 ans et me dérangez pendant que je tweet, bande de croulants.
Côté prévision météo, entre -10 et -23. Ouais, ça risque de piquer un peu. La difficulté au Licancabur est le vent. Depuis 4 jours que t’es à San Pedro, d’où tu peux le voir le volcan, le ciel est quasiment toujours dégagé. Y a aucune raison que ça change, hein?
Le guide nous dit d’aller nous balader 2h, histoire de s’acclimater car on est a plus de 4000m d’altitude. Les deux français font du trail voir de l’ultra, le mec court à 4000m d’altitude. Grand ciel bleu avec la Laguna blanca en premier plan.
19h tout le monde est couché sous des tonnes de couverture.
2h du matin, tout le monde se prépare. Il y a le guide chilien et un guide local bolivien. Le guide chilien dit qu’il y a des thermos mais que pour les filles. Mouais, il arrêtera pas de taper dedans pendant toute la montée. Tu lui avais demandé s’il avait des feuilles de coca pour la montée. Pas la peine ce n’est que du placebo, sauf que cet enfoiré en avait pour lui et du coup c’est le guide bolivien qui t’as ravitaillé.
2 paires de chaussettes, 3 couches de pantalon, 4 couches de hauts, 3 couches de gants, le bonnet et c’est parti à la frontale.  T’avais dit que tu aimais marcher derrière et pas faire de pause. Le guide chilien te colle deuxième derrière le guide bolivien, super, tout ce qui te met mal à l’aise. On part très lentement, très, très lentement. On a 1500m de dénivelé pour une distance de moins de 5 kilomètres, c’est pas la mort, ça va juste un peu tirer sur certains muscles en théorie.
Côté météo, on doit avoir des températures négatives mais très loin des -23. On a tous ouvert nos vestes. Le temps passe, le rythme est extrêmement lent. Un escargot vient de mettre son clignotant pour nous doubler un grand sourire aux lèvres.
Ca monte gentiment. Le soleil commence à se lever et ça nous permet de réaliser qu’on a un temps de merde. Ah grave. Des nuages partout. On aura dans la montée peut être 2 légères éclaircies d’où les rares photos.
Le vent commence à se lever et la neige à tomber. La chinoise est mal équipée côté gants. Elle a juste des gros gants en laine. Elle sent plus ses mains et elle récupère les gants d’un guide. Les pauses sont de plus en plus fréquentes. Toi pour pas te refroidir, tu redescends le sentier et tu le remontes pendant la durée des pauses. L’eau dans ton sac à commencer à geler. Au fait, monsieur le guide, elle est bonne l’eau chaude du thermos? Et la coca? Oui ? Tant mieux con….!
On repart, un paresseux nous rattrape et nous demande si on a un problème.
Le chemin est visible, sans risque (on ne longe pas une falaise par exemple) et il y a 2 guides. On comprend pas pourquoi on fait pas 2 groupes. Mais le guide chilien est une star et on discute pas son organisation.
Plus on monte, plus le temps est dégueulasse, plus il fait froid et plus la chinoise est au bout de sa vie. La jeune tient le choc mais s’endort à chaque pause.
Tiens, on avait pas encore eu la grêle.

On mettra 7h30 pour faire ces foutus 5 km. On est complètement dans les nuages, on verra même pas le petit lac dans le cratère du volcan. Le vent est tellement glaciale qu’on a du rester 2 minutes au sommet.

En principe, t’as une superbe vue sur les 2 lagunes blanca et Verde. Comment dire. Oui, il y a eu de très rares éclaircies.
Les guides trouvent un emplacement à l’abri du vent et annoncent 20 minutes de pause avant d’entamer la descente où plutôt la marche vers l’enfer. La chinoise est mal en point. Elle sent plus ses mains. Elle aura pas pris une seule photo tellement elle voulait pas enlever ses gants, une chinoise, sans faire de photos. Le guide a décidé de lui filer un shoot d’oxygène. Ben, oui, c’est ça qui faisait le prix et le professionnalisme de ce guide. Le masque est pété donc pas d’oxygène. Comment on dit professionnalisme en espagnol ?
Il sort son téléphone satellite pour appeler la mère de la fille et lui dire vers quelle heure il la ramène en ville..
T’as amené 2 sandwichs au thon. Pas mauvais la glace au thon, c’est peut-être un nouveau concept à lancer.
Le couple de français a froid et aimerait bien repartir. Même pas on rêve leur fait comprendre le guide, c’est 20 minutes qu’il a décidé et c’est gravé dans le marbre. 2 minutes plus tard, la fille a voulu repartir et on est reparti. Ah, ça les français ont apprécié.
On pensait avoir vécu le plus dur mais non, on descend par un pierrier. La chinoise descend les yeux quasi fermés à raison d’un pas toutes les dix secondes. Le guide vient la supporter sur les passages les plus durs. Puis il part devant et veut qu’elle soit en 2ème. La descente est cauchemardesque de lenteur.
A un moment elle a trébuché sur une pierre et a fait un roulé boulé dans le pierrier.  Coup de chance, aucune blessure C’est toi qui l’a ramassé. Le guide chilien ? 100m plus bas en train d’attendre tranquillement. Le guide bolivien ? 100 plus haut en train de discuter avec la gamine.
On en avait tellement marre de ne pas avancer, qu’avec l’autre français on a doublé la chinoise. On rejoint le guide qui marche toujours 100m en avant. Surpris, il se demande comment on a pu oser changer l’ordre de marche. On lui dit que les bagnoles sont à moins de 20 minutes de marche et qu’on préfère attendre là-bas plutôt que de se traîner. Il a pas apprécié. Vous allez pas croire la réponse du guide. Ok, mais vous ne montez pas dans les voitures. Vous le croyez ?
Donc on a attendu dans le froid devant les bagnoles ouvertes.
Comment on dit ‘ très gros con’ en espagnol?
On aura mis 4h pour faire la descente.
Dans déconner, il aurait fait 2 groupes et tout le monde l’aurai mieux vécu. Après, la chinoise, c’est pas sa faute, elle est sur les rotules, elle est sur les rotules. Elle s’est même excusée auprès de nous.
Linda, Sébastien, Bruno, l’affront, il y a 8 ans, du Licancabur a été lavé, dans la douleur, mais lavé.
Lendemain matin, le Licancabur s’est habillé de neige. A un jour prêt, tu faisais un remake d’il y a 8 ans avec un nogo de charlot.
Alors, ouais t’es toujours en train de critiquer tes guides mais sans déconner, le jour où vous aurez un guide qui va dormir au chaud dans sa tente à 5200m d’altitude et qui te laisse avec une tente de son agence qui a les 2 portes pétées, ou un guide que tu payes pour faire un trek qu’il sait impossible ou enfin ce dernier qui te dit que tu peux pas monter dans sa bagnole car tu marches devant lui.
Ricardo Licancabur checked