Yo,
Journée de repos avant l’ascension du Cotopaxi.
T’as décidé d’aller à Otavalo. En principe, il faut y aller le samedi, le jour du marché d’artisanat (et celui des pickpockets).  Toujours aussi bon côté timing, t’y es en semaine. T’as quand même la place des ponchos (fallait l’inventer) qui est remplie de stands. Et il paraît que c’est rien en comparaison du samedi.
Tu t’écartes de quelques rues et t’as les grossistes avec leur grands sacs plastiques qui débordent de produits identiques made in ???. Il y a plein de mamies en tenue traditionnelle, un chemisier blanc brodé avec un poncho par dessus, un borsalino ou une pièce de tissus sur la tête. T’as regardé leur cou (non, t’es pas fetichiste) pour voir le type de collier qu’elles portent. Elles ont toutes des colliers à plusieurs rangées avec des perles dorées. Pas vu un seul de ce type sur le marché par contre t’as du collier en veux tu en voilà. À 50m t’as 10 grossistes qui te vendent des sachets plastiques remplis de perles de toutes sortes. Sinon, ils ont des masques tricotés main à porter dans certaines soirées parisiennes. Pour les parisiens nostalgiques t’as même le t-shirt Paris, oui, oui 100% produit typique.

La ville est au pied du volcan Imbabura, ouais, le gros machin caché en partie par les nuages. Ils ont peint les trottoirs au couleur du pays mais ça ressort pas trop quand il fait gris.En haut d’une colline, t’as le fameux ‘el lechero’. Pour y aller, t’as pris l’option marche à pied dans la colline plutôt que taxi. T’as découvert qu’il faut marcher avec des pierres dans tes mains. Chaque maison a au moins un chien qui t’aboie méchamment dessus dès que tu passes près de la baraque. Certains, quand tu leur montres la pierre dans ta main se disent que finalement tu fais que passer, qu’ils ont fait leur boulot et que ça vaut peut-être pas la peine de se faire caillasser. Mais d’autres sont beaucoup plus teigneux et faut leur balancer des pierres. Ils s’attendent à la première donc reculent mais reviennent à la charge et la seconde les calme généralement. Mais vraiment galère de marcher avec son sac de pierres. Entre les chiens et les taureaux, ca va être folklo quand t’iras faire des balades.

Alors le fameux el lechero (y a 2 heures t’en avais jamais entendu parler), c’est un arbre millénaire. Tu t’attendais à un arbre impressionnant mais côté taille, il est adapté à celle des locaux. On va dire que le cadre le rend sympathique avec en arrière plan un bout de l’Imbabura.


Sinon, t’as découvert une entrée secret de spider man. Ils veulent te faire croire que c’est un cadran solaire mais c’est du pipo, y a jamais de soleil.

 

 

 

 

Le fameux volcan Cotopaxi. L’ascension se fait de nuit donc on arrive au parking du refuge qui est quand même à 4580m dans l’après midi. Il y a juste 300m de dénivelé pour rejoindre le refuge.
Au début ça semble couvert voir très couvert mais coup de pot les nuages se barrent. Le ciel bleu, la neige et ensuite la terre rouge, cocorico.

 

Basse saison, on est une dizaine de trompettes avec différents guides trompettistes qui vont tenter l’ascension.
Le timing est simple : dîner à 18h puis repos avec tentative de roupillon (à 4900m, pas simple de dormir), lever 23h pour un départ vers minuit. Objectif 6 à 7h de montée. T’as une photo avec le record, y a une fusée qui a mis 1h37 pour faire l’aller retour. Nous on est sur 6h juste pour la montée.
Parmi les autres trompettes, t’as un gars qui a une jambe en métal à partir du genou.
La trompette d’or est remise au pasteur qui a annoncé d’entrée qu’il faisait un refus d’obstacle. il est là pour soutenir fiston mais il ira pas plus haut. Avec fiston on aura donc un guide chacun. Ton guide sera Edgar, il t’a jamais parlé et a passé son temps au téléphone.
23h, tout le monde se prépare. D’autres équipes sont déjà parties.
Côté matos, t’as mis tout ce que t’avais, t’as même loué des chaussures de montagne qui ressemblent à des chaussures de ski, tu sens leur poids à chaque pas.
On commence par 2h de montée sur la moraine. Au bout de 5 minutes  t’as compris que c’était loin d’être gagné. Des rafales de vent avec de la neige. En 30 minutes toutes tes affaires étaient glacées et recouvertes de givre. La couche en dessous est trempée. T’as 3 couches de gants et c’est limite. Ton GPS a jeté l’éponge, le téléphone aussi, les fixations des bâtons sont gelés et tu les pètes en voulant les débloquer. T’as pas les mêmes problèmes sur les plages en bord de mer.
Faut s’imaginer de nuit avec un vent glacial, avancer pas à pas avec des pompes super lourdes, ne voir que ce que le halo de ta frontale te laisse voir, chercher son souffle à chaque pas et entendre les tambours du Bronx qui font un bœuf dans ton crâne et t’as payé pour ça.
Freddy, qui ouvre la marche se plante de chemin et quand l’autre guide l’a prévenu, on a déguerpi vite fait du coin.
On arrive au début de la glace, il est temps de mettre les crampons, le casque, sortir le piolet et s’encorder. T’es donc avec Edgard. Tous tes vêtements craquellent de givre. Tu te dis que t’as fait le tiers facile du chemin.
T’es maintenant que sur de la glace et c’est de plus en plus pentue. Le Edgar va trop vite. T’es en train de te brûler et tu cherches ton souffle sans arrêt.
Le grand coach sportif mondialement connu à Villejuif, Brupasyes dit que tout est dans le mental. Alors t’as essayé d’y aller au mental…
Dans une grande montée, où t’en peux plus et tu cherches ton souffle, tu te fais presque engueuler sur l’utilisation du piolet par Edgar qui est au dessus de toi et par Freddy qui est en dessous. Toi, tout ce que tu veux c’est 15 secondes de pause. Ton piolet aurait pas été attaché au baudrier, tu leur aurais bien balancé à la gueule. Le mental…
Ça monte sans fin, sans jamais le moindre faux plat pour récupérer un peu. Le mental. Commence à en avoir ras le bol du mental
Le froid est toujours intense. Brupasyes, le mental lâche. Tu dis à Edgar que tu veux faire demi tour. Lui rien à foutre, n’essaye même pas de comprendre pourquoi. Freddy arrive et lui est plus dans l’empathie et essaye de comprendre. Y a encore 2 jours tu te baladais et là t’es à la ramasse. Trop vite, plus de souffle et il reste encore 3h de montée. Ok, Edgar va aller plus doucement, ouais pendant 20 minutes…. Malgré les chaufferettes dans tes gants tu sens plus ta main droite. T’as tapé sur ton genou, tu sens pas ta main. On doit être environ à 5400m et le sommet est à 5897m. C’est là que trompette Ricardo jette l’éponge définitivement. Ricardo trompette d’argent. Le mental, ça sera pour la prochaine fois, au Sajama, hein Brupasyes… 5 minutes plus tard fiston redescend, crampons cassés, trompette de bronze. ll a de quoi être fier le guide Freddy, ces 3 poulains sur les 3 premières marches du podium.
Dans la descente, tu croises toutes les autres trompettes qui montent super lentement. Ils font un pas, ils ont le temps d’une pause café, puis font un 2eme pas, recafé… On est quasiment parti en même temps qu’eux et on leur a mis 30 minutes dans la vue, pas étonnant que tu te sois brûlé.
Retour frigorifié au refuge même si, ahah, à ce moment le vent est tombé.
Lendemain matin au refuge, concert de trompettes, tout le monde est là et personne n’a tapé sommet à cause du temps. T’as demandé au mec qu’à une jambe en titane, la raison. Lui, il avait froid au pied, t’as pas osé demander lequel…

Les conditions météo étaient vraiment dégueulasses mais même sans ça pas sûr d’avoir le physique pour.

Conclusion :
– tu vas bien sûr pas essayer de taper le Chimborazo et donc faire des économies
– Brice de bernay, c’est plus que mal barré pour le pic Lenine
– finalement la plage c’est peut-être pas si mal

Ricardo, le Miles Davis de la montagne