Je viens de vous raconter la nuit venteuse de la veille, voilà la suite. Donc ce matin, un vent à porter facilement une polaire.

Il est prévu d’aller dans le nord voir une ou deux ruines (encore) et prendre une barque pour aller sur l’île de Sai au milieu du Nil. On a 30 bornes à faire sur une piste. Le vent soulève le sable, parfois on ne voit pas à 30m. Le vent soulève le sable orangé en volutes qui semblent danser sur la piste ocre. On dirait comme si des serpents de sable ondulaient sur la piste. Ajoutez-y une luminosité un peu blafarde car le soleil n’arrive pas à percer et vous avez l’impression d’être dans un autre monde. Et par moment, apparaît fugitivement un troupeau de chameaux emmené par qqs chameliers avant de redisparaître derrière le nuage de sable. Bon c est bien joli mais à un moment, on a eu le même réflexe avec Moubarak, on a sorti nos GPS. ouais un peu perdu, les gars, impossible de trouver la direction du Nil. Finalement, après pas mal de tentatives, on arrive où le gars nous attend avec sa barque. Il a le monopole et te le fait payer cher. Le truc, c’est qu’il t’emmène sur l’île de Sai, tu vas voir 2-3 vieilles pierres et il te ramène ensuite. On accède par l’autre côté de l’île donc faut compter 20 minutes de barque à moteur.

Le vent souffle fort et le Nil est loin d’être plat. Tu regardes la barque, tu regardes le creux des vagues, mouais ça va encore être un grand moment cette histoire. Gilet de sauvetage ? Ah ah ! hé, on est au Soudan ici !!! T’as même pas imaginé poser la question. Le pacha te fait t’installer tout devant pour équilibrer la barque et lui s’installe à l’arrière pour piloter. Vraiment, à des endroits, y avait des creux d’un mètre, aussi haut que les bords de la barque. Et ce con, au lieu de rester sur le bord du fleuve où c’est plus calme, il s’embarque vers le milieu. Première vague, t’étais trempé et vu le choc qu’a pris la coque, il est revenu vers le bord. Mais comme il était tout le temps au téléphone (oui, ici il y a que des businessmen l’oreille collée au téléphone), et bien on a pris plus d’une vague dans la gueule. Enfin, le « on », c’est toi. Le pacha à l’arrière, lui, tranquille.

Vu le vent sur l’île, t’es rapidement allé voir les 3 colonnes qui essayaient désespérément de rester debout et puis cassos. T’en as pris plein la vue. Ouais plein de sable dans les yeux. 6h plus tard, ça pique encore. Au retour, tu ne t’es pas installé tout devant, pas con non plus. Mais à la première vague, ça n’allait pas, fallait que tu sois vraiment devant. Tu devais aussi voir des crocodiles, mais vu le vent et les vagues, ils ont été moins cons et sont restés chez eux. Le seul point positif, avec le vent, t’as pas de moucherons. Car c’est vraiment une plaie, cette saloperie.

Au retour, on est passé devant plein de petits villages traditionnels nubiens. De grandes maisons en pisé. La plupart sont peintes ou ont des portes et fenêtres en métal coloré. Par contre, personne dans la rue, trop chaud ou trop de vent. Ceux qui ne travaillent pas dans les champs ne sortent que vers 18h. Pas cons comme les touristes, enfin, le touriste. De retour chez papy pour l’après-midi mais pas encore vu, sinon tamam !!!! T’as le choix d’être dans le vent en prenant régulièrement du sable dans la gueule ou à l’abri mais avec des mouches. Ouais elles viennent de débarquer celles-là. Vivement le club med dans quelques jours. Moubarak reste ici cette nuit. Et donc on a pu un peu échanger avec papy Mohammed. Le soir, il est arrivé habillé d’un blouson à capuche. Oui il fait un peu frais.

Du coup, tu lui as offert ton bonnet polaire qui traînait dans ton sac. Il a 71 ans, 3 scarifications horizontales sur chaque joue. Ils les lui ont faites quand il avait 2 ans et on met du sel pour pas que ça cicatrise trop vite. Maintenant ça se fait plus. Chaque tribu a ses propres scarifications. Ils ont des scarifications mais pas de tatouages, du coup ils sont assez impressionnés par les tiens.

Concernant le mariage, ici tu donnes de l’argent à la famille de ta future épouse pour qu’elle organise le mariage. Papy a payé il y a 50 ans 10 centimes et 2 chèvres. Moubarak a payé 500 euros pour son mariage il y a 20 ans. Sa femme devait avoir 15 ans. Oui ici les filles sont mariées à l’âge de 12-14 ans, en particulier dans les villages.

Fallait voir Moubarak tourner la tête de papy pour lui crier dans l’oreille. Il t’a même montré son sonotone qui marche plus. T’expliques à papy que s’il veut une 2ème femme, en particulier une française, il doit se séparer de la première. Oùla, pas possible, c’est elle la boss… et puis de toute façon, il dit qu’il est trop vieux, plus bon à rien. Mais bizarrement, il serait pas contre une égyptienne, une syrienne. Mesdames les françaises, vous impressionnez..

Alors la nuit a été fraîche même avec une couverture. T’es réveillé à 4h55, histoire d’écouter le mec qui doit bientôt se lâcher.

5h rien. Bizarre.

5h10 toujours rien. C’est qu’ils ont pas l’électricité ou que le gars est aphone. T’essayes de te rendormir.

5h30, l’âne du papy est énervé d’avoir attendu pour rien et c’est lui qui se met à brailler.

6h. Apparemment y avait dû y avoir un problème à l’allumage, car c’est parti pour l’appel.

Je vous écris d’un petit bouiboui dans un marché. On s’est arrêté pour boire un thé. C est toi qui as choisi le bouiboui. Bon choix, juste à côté du bouiboui qui répare les klaxons de vélo!  Ah enfin du calme. Tous les bouibouis sont tenus par des jeunes femmes, souvent des éthiopiennes. Mais bien sûr il n’y a que des hommes qui y viennent. Et plus la fille est jolie et plus le bouiboui est plein. Comme on a un problème de pneu, en attendant t’es allé reprendre un thé.. et t’as choisi le bouiboui le plus blindé. T’arrives, tu dis « chai bi nana maha sukar » et tu t’assoies sur la seule chaise de libre. Ils se sont tous tus. Incroyable comme le soudanais est impressionné quand tu commandes un thé à la menthe avec du sucre.  Imagines si en plus tu demandes un nuage de lait.

Poisseman