Salut,

Pour ceux qui veulent pas de mail long, ils vont être servis. C’est qu’il y a du lourd.

Je vous ai laissé le soir où je dormais chez le guide Salah. Effectivement son pote Ari a ronflé toute la nuit donc déjà une première nuit difficile. Avant de vous raconter le périple, je vais un peu vous décrire ce que j’ai pu voir de leur mode de vie. Comme Salah n’est pas marié, il habite chez ces parents. Il a une grande pièce avec des matelas et des coussins où il reçoit ces amis. Le soir il déplie les matelas, une couverture et hop tu dors comme ça. Les lits, ils connaissent pas. Petit déjeuner chez lui. C’est comme pour le dîner, tu manges dans la cuisine par terre. Il y a un grand tapis, il pose le temps du repas une bâche plastique pour pas salir, tu t’assois en tailleur et tu déjeunes. Comme pain, ils ont des grandes plaques d’une sorte de pain fin d’un millimètre extrêmement sec et ils l’humidifient avec un vaporisateur. Pareil, pas de tables et chaises, en fait t’as vu aucun meuble.

Côte maisons, villes ou villages, il y a pas d’architecture particulière à part que toute les maisons ont un toit plat. Elles sont toutes en béton pour la plupart encore couleur béton. En résumé, à part le bazar d’Erbil peu d’intérêt architectural. Voilà, fini pour le côté ‘culturel’, ouais c’est court, passons aux deux jours d’immenses bonheur !

Rappel, l’objectif est l’ascension du mont Halgurd, 3627m, plus haut sommet du Kurdistan et deuxième plus haut sommet d’Irak. Donc premier jour, départ en pickup à 10h. Ton sac à dos est pas loin des 20kg (Tente, sac couchage, crampons pour la glace…). Il y a le guide Salah, son pote Ari qui connaît tout sur quasiment tout et deux autres gars qui sont des potes de Salah. Ils sont profs de sport, on est mercredi, ils vont sécher l’école pendant deux jours. Toi qui avais payé pour un guide en fait tu penses qu’il fait profiter ses potes avec ton pognon. Mais vous allez voir c’est encore plus tordu.

Petite anecdote pour Gabriel, Salah a un pantalon violet fluo et une polaire jaune, un des profs des guêtres bleue ciel, un pantalon rouge et une parka jaune fluo. Si tu as une chance de revendre ton pantalon orange c’est ici !!!!

Une heure de pickup plus tard, on arrive au camp de base. La route a traversé plein de passage où les panneaux mines avec des têtes de mort te font comprendre qu’il faut pas sortir de la route. Elles datent de la guerre Iran-Irak pour bloquer les iraniens, la frontière étant toute proche. Au camp de base, 2500m, au pied de l’Halgurd, un autre pickup avec six kurdes. Bon, on va pas être emmerdé par les filles pendant ces deux jours. Quand ils ont su que tu étais étranger, t’as eu le droit à des dizaines de selfie. Pour un circuit en solo.

Le temps de sympathiser, se préparer, on doit partir il est presque midi. On est tous en cercle Ari fait le briefing en kurde. Cool !!! Et la version en anglais pour le touriste qui a payé une blinde ? C’est là que tu comprends qu’Ari va servir de guide.

C’est parti, ce sont des fusées. Toi faut déjà que tu t’habitues à l’altitude. Salah passe son temps à faire des photos et des vidéos du groupe. On n’a pas marché 20 minutes qu’on s’arrête. Un problème ? Ben non c’est l’heure du déjeuner voyons. Ah on est venu pique-niquer finalement !! Et pas le petit pique-nique. Ari qui a tout emmené sort le réchaud pour faire cuire des pâtes pendant que Salah a enfin lâché ses appareils photos pour bondir dans les champs à la recherche d’oignons sauvages. Et les deux profs t’invitent à partager leur repas à base de concombres, tomates que tu roules dans une sorte de pain et trempes dans du fromage frais. Et ensuite tu as le droit aux pâtes aux oignons.

L’autre groupe de six mange de son côté. Bon, on repart. On arrête de marcher pour que Salah puisse faire ses photos. Et ce sont aussi les profs qui servent de guide. En fait le Salah, son kiff c’est les photos et il emmène ses potes pour faire le boulot. Le temps est en train de se couvrir méchamment et pas de gentils nuages blancs. Ari, certainement une ancienne miss météo sur canal plus, t’explique que les nuages ne viendront pas vers nous à cause d’une histoire de température de la montagne. Pas tout compris mais trop fort la pluie doit passer à un km de nous On continue à avancer, Salah continue à faire chier avec ses photos.

Tiens qu’est-ce que c’est ? C’est quoi ce truc qui vient de tomber de la taille d’un grain de riz? Tiens, un autre et encore un autre. Oui, c’est bien de la grêle mais pas trop méchant. Tiens c’est quoi ce bruit qui te pète dans les oreilles ? Oui c’est bien le tonnerre et il est juste au-dessus de ta gueule. Ceux qui ont des piolets métalliques seront les premiers servis. Du grain de riz on passe à la taille de petit pois et quand tu les reçois sur la tête tu les sens biens. Il manquait qqchose, la pluie. Trop forte miss météo. Donc on se prend la pluie, la grêle et le tonnerre sur la gueule et Salah continue à faire ses photos. Faut reconnaître que les kurdes (les mecs) adorent les photos. L’orage passe au bout de 15 minutes et on arrive finalement en haut d’une colline, on a dû en tout marcher 1h30. Il doit être 14h30. Une pause ? Non !! C’est ici notre camp de nuit. On est 2900m. Kinnary, Gabriel, même Felix est battu sur ce coup.

Le terrain est très en pente donc galère pour monter la tente donc ils décident d’installer les tentes sur la neige. Et les voilà tous en train de creuser la glace pour faire un emplacement à peu près plat. Gabriel, même sur les tentes ils font forts au niveau des couleurs, les profs ont en une rose.

Toi, vu l’épaisseur de ton matelas de sol, t’as pas envie de dormir sur la neige et l’alternative est le terrain caillouteux et très en pente. Donc, pour l’instant tu montes pas ta tente. Salah, qui se rappelle enfin qui est le sponsor principal de cette équipée vient aux nouvelles. Finalement tu la montes sur le terrain, garantie de ne pas dormir. Il est 15h, putain ça va être long l’après-midi mais les deux profs, qui seront en fait les gars qui auront été les plus sympas, te proposent une petite balade sur la neige en direction de notre futur ascension. Dommage qu’ils parlent pas anglais car t’aurais vraiment bien pu rigoler avec eux.

Face à toi le mont Halgurd. Un des profs te montre le chemin pour demain. Sérieusement ce n’est qu’un goulet d’avalanche (qui se dit avalon en kurde, ce mot-là, on n’a pas eu besoin de traduction). Face à toi il y a quatre goulet d’avalanches potentielles, sachant qu’il y a les traces d’une ancienne avalanche dans un des goulets. Ok il y a des rochers entre chaque goulet mais ça va être super chaud surtout qu’il y est tombé de la neige. Puis ils te montrent qu’il faut pas aller se balader plus bas car il y aurait encore des mines. Putain ça va être super chaud demain surtout tu sens pas que t’es venu avec des pros. Bon il est 16h30, retour dans tente. T’attends, des rafales de vent la secoue dans tous les sens. vu la pente et les cailloux t’es super inconfortable. Je passe les détails mais tu apprends que demain c’est départ à 4h30. T’es dans ta tente, et à 21h Salah t’appelle pour te dire qu’il y a des pâtes et du riz pour toi.

Impossible de dormir, le froid, la pente.

Donc deux nuits avec peu de sommeil. A 4h30 t’es prêt, comme t’as pas de grosses doudounes, t’as cinq couches de vêtement. Le soleil est déjà en train de se lever. Personne n’est prêt !!! Finalement c’est petit déjeuner. Il y a un briefing toujours en kurde. Et on part marcher sur la neige. Devant les goulets les mecs ne sont pas d’accord sur le chemin, ça met en confiance. De toute façon c’est un des profs qui ouvre le chemin car Salah fait ses photos. Pour l’instant pas besoin de crampons mais c’est déjà plus pentu et les fusées de la veille ont plus de mal. On n’a pas marché 15 minutes qu’un des gars se sent mal et doit s’allonger, un autre crache ses poumons. Si dès maintenant, certains sont mal, pas sûr qu’on revienne tous car pour l’instant, c’est super simple. Arrive un moment où on doit mettre les crampons. Salah t’en a prêté une paire qui est rafistolée avec du fil de fer, confiance !! Les autres ont dû matos récents mais ne savent pas pour autant les mettre, au moins t’es pas le seul junior.

Côté météo un très beau soleil sauf que tu as mis très peu de crème solaire et ça va avoir des conséquences.

Briefing sur comment marcher avec des crampons. Ouais en kurde. On a pas fait 50m qu’un des gars glissent et s’arrêtent au bout de deux mètres, au pire il en dévalait 10 sans trop de risques. Plus haut ça va pas être la même histoire. On continue à monter mais hyper lentement le temps que connard de Salah puisse faire ses photos et films. Il nous fait même nous arrêter dans le couloir d’avalanche ce con. On est passé à des endroits mais jamais tu passes sans corde. Si tu te rates, on te retrouve 300m plus bas et peut être vivant si tu passes entre les rochers. La folie. On voit plus bas un groupe de trois gars qui prennent pour l’instant le même chemin que nous. Ce con d’Ari hurle pour les appeler. Toi tu le pourri pour qu’il la ferme. Il veut pas aussi déclencher une avalanche ? Mais non selon lui aucun risque, on est pas en hiver. Ouais t’as raison et t’as vu la grosse fracture juste au dessus de nous?

Tant bien que mal on arrive à la dernière partie. On a passé plusieurs endroits très risqués et là on est face à un mur de 50m. Va vraiment pas falloir se rater. Ari dit qu’il va monter pauser une corde. Le temps qu’il y arrive t’a suivi le prof et pas à pas t’es arrivé sur le surplomb. T’imagines pas la descente. Les autres s’aident de la corde. Salah fait des photos souvenirs en cas où qqun glisserait.

C’est comme Stella point au Kili, une fois que tu es arrivé au surplomb, il te reste une ballade tranquille pour arriver au sommet. Sur les six kurdes, y en a deux qui ont pris cher. Arrivé au sommet les six gars sortent une banderole. En fait ils sont une association d’amoureux de la montagne de la ville de Koya et sont vénus faire le sommet. Je vous laisse imaginer le nombre de photos et de selfies. Bien sûr tu as été interviewé. Du sommet tu vois l’Iran qui est juste à côté mais aussi la Turquie. Ari t’indique une montagne avec des jolies balades mais qui est interdite depuis que le PKK a installé une de ses bases arrières. En fait c’est très joli mais ce sont pas des montagnes vraiment dépaysantes.

Bon faut penser au retour. Avec le soleil la neige s’est transformée. Ils mettront des cordes pour assurer un minimum la descente. Ouais miss météo avait amené tout le matos nécessaire. Le groupe de trois a pris finalement un chemin différent, pas fous.

On est tous revenu en état, un miracle.

Tu plies ta tente, le groupe de six est aussi prêt alors que Salah bulle. Il t’indique de redescendre avec eux au camp de base. Ok tu les suis à distance et à un moment tu te dis que t’es dans un coin de mines (elles sont certainement pas juste à côté) et tu suis des gars qui sont pas du coin et surtout en ne marchant pas sur le chemin. Arrivé à la bagnole des kurdes, les deux profs arrivent ensuite mais pas de Salah ni de Ari. Finalement on monte dans leur caisse et ils nous déposent qqs km plus bas. Toi tout ce que tu veux c’est chopper à Choman un taxi pour rentrer sur Erbil, Il y a plus de 2h de bagnole. T’avais pensé au début faire une journée de plus avec Salah mais faut arrêter les conneries. Pas de Salah, les deux profs font ce qu’ils peuvent mais ils y sont pour rien. Même si tu sais que c’est inutile tu commences à marcher avec ton putain de gros sac sur la route. Finalement Ari et Salar arrivent dans une bagnole (celle des trois autres gars qui ont fait l’ascension en une journée).

Tu abandonnes les deux profs et retour sur Choman où Salah n’arrête pas ses sorry mais tu sens bien qu’il n’en a rien à foutre. Il t’emmène a la station de taxi, il est presque 17h. Jamais t’aurais trouvé qu’il faut venir ici pour trouver un taxi. Tu cherches un taxi partagé. Il faut être 4 pour qu’il parte. Y en a pas pour Erbil, sinon la journée aurait été trop simple. Il faut que tu en prennes un pour la ville de Soran qui est à 40km puis un taxi interne pour qu’il te dépose à la station des taxis pour Erbil. Encore simple cette histoire. Le problème on est que deux pour l’instant et le chauffeur qu’a pas l’air très ouvert, joue au dames version kurde. Un 3eme client arrive. Tu sens le coup où le taxi part pas et tu te retrouves coincé à Choman. Y a pas d’hôtel et hors de question de se pointer chez Salah comme un con.

Le prix est de 5$ par personne. On arrête les conneries tu fais comprendre au chauffeur de taxi que tu payes deux places. Ouais ça fait américain mais bon. Boromo (c’est la version kurde de yallah) c’est parti. Tu commences à te détendre. Sauf que le chauffeur s’arrête à 100m du premier checkpoint et on attend. T’essayes de comprendre. Finalement le chauffeur appelle qqun avec son téléphone qui t’explique en anglais qu’on attend qqchose pour passer le checkpoint mais faut pas s’inquiéter…

On attendant, tu te regardes dans le rétroviseur et c’est l’horreur. Tu comprends pourquoi le visage te brûle. T’as pris très cher. Ton nez, déjà qu’il est pas petit, c’est le phare d’Alexandrie en version rouge fluo. Toi qui voulait passer inaperçu c’est mort. Faut maintenant trouver de la biafine.

Finalement on repart, bien sûr t’es enmmerdé au checkpoint. Je vous passe la partie palabres mais finalement tu passes. Arrivé à Soran, il dépose les deux autres gars et commencent à baragouiner qqs mots d’anglais avec toi. Tu sympathises et finalement le gars t’amènes jusqu’en dehors de la ville dans un endroit qui au début semble un coupe gorges mais qui est finalement la station des taxis pour Erbil. Tous les taxis te sautent dessus. Pas un ne parle un mot d’anglais. Tu souris, un mec te file sa coiffe pour un selfie avec toi et 10 secondes plus tard t’es sur Instagram. Bonne ambiance. Il est plus de 19h, t’espères que l’hôtel à Erbil a gardé ta chambre. Pour l’instant t’es le seul client. Tu te dis que tu vas privatisé le taxi pour 30$ quand trois papis arrivent. C’est parti, t’es confiant. Faut jamais partir avec des aprioris mais en venant au Kurdistan t’avais pas pensé rouler de nuit.

T’es assis devant. Le chauffeur est un dingue, il double des camions sans aucune visibilité. Le mec en face est obligé de rouler sur le bas-côté pour l’éviter, les insultes pleuvent. Bon ben t’es à la place du mort. Ok, t’y restes suite à une avalanche ou un bombardement ou un truc dans le genre, çà a au moins un minimum de gueule, mais dans un accident de taxis, merde.

Tiens qu’est ce qui se passe, on s’arrête !! Encore une galère ? Non c’est l’heure de la prière et les voilà les quatre partis à la mosquée. Peut-être une petite prière pour la route. On repart et le chauffeur commence à bailler.

Tout ça c’est véridique.

Je vous passe les checkpoints et autres broutilles. T’arrives à l’hôtel à 21h crevé, sale, puant. Oui, tu as bien une chambre et pour la première fois le gars te montre que tu as une super chambre avec une fenêtre qui donne sur la route. Oui, les autres fois tu n’avais pas de fenêtre. Bon vous avez compris ce qui s’est passé très tôt ce matin 🙂 Le chant du muezzin. Quand ça veut pas.

J’ai mis deux heures pour écrire ce mail. Il doit y avoir plein de fautes..

Ricardo surlesgenoux