Yo,

Alors, à l’agence, t’as bien précisé que tu ne faisais pas le circuit si t’étais en solo avec le guide. C’est le deal.
Tu te pointes à l’agence le matin, ça commence fort. L’autre personne ne te rejoint sur le trek que demain alors qu’elle démarrait avec toi, bizarre de bizarre. Aujourd’hui, c’était prévu, c’est plus une journée de visite. Le gars te dit que tu vas aller avec 14 autres personnes pour cette journée. Ahah, même pas en rêve. Les 14 personnes, il les met dans un charter et les envoi où il veut mais au prix où t’as payé, jamais. Finalement on sera 3 et t’auras jamais vu le bus des 14 sur les sites. Est-ce qu’il a essayé de te refourguer sur un autre truc?
L’idée est d’aller, dans un premier temps, voir la cité des morts. 2 heures de bagnole sur une piste en haut des montagnes puis 1,5 km de descente à pieds pour rejoindre la cité. Les 2 autres, des péruviens un peu rondouillard de Lima ont oublié leur condition physique à la maison. Un des gars est même en pantalons et chaussures de ville. Rien que la descente a été une galère pour lui. La cité des morts des chachapoyas, en fait les quelques ruines restantes, sont à flanc d’une paroi rocheuse.

Soit tu faisais parti du tout venant et ta momie (ouais, à l’époque ça momifiait à tout va) était mise avec les autres dans un trou creusé dans la roche. Soit t’étais d’une famille aisée et il y avait des pièces réservées pour la famille. Et puis, si t’étais un ponte genre politicard, là le graal, t’avais le droit à ton propre sarcophage. Si on ramenait ça à aujourd’hui, t’aurais plein de momies en gilet jaune entassées dans une caverne,  une maison avec un avion de chasse comme symbole, une autre avec un shampoing qui le vaut bien et une autre avec un tailleur Channel pour les grandes familles et enfin un petit sarcophage ‘en marche’.
Impossible de s’approcher car t’as de grandes chances de te retrouver 50m plus bas. Et vu ta catégorie social, t’auras tout juste le droit à la grotte commune.

Et donc tu vas sur un autre site, Karajia, où tu peux voir 6 sarcophages de près de 2m de haut qui sont encore en très et bon état avec leur peinture. Ils sont dans un renfoncement rocheux au milieu d’une paroi inaccessible. A l’intérieur il y aurait encore les momies et des objets qu’ils emportaient dans leur prochaine vie. Les mecs à l’intérieur c’est pas le locdu du coin. Pour avoir le droit d’être dans ce type de sarcophage, c’est le niveau Napoléon ou Jules Cesar. Ils ont jamais trouvé d’autres sarcophages aussi grand dans toute la région.

Les 2 péruviens sont répartis avec la bagnole en ville et toi t’es resté dans un minuscule village, Cohechan avec ton guide qui s’appelle… Ricardo.
Parlons du guide, t’as l’impression que c’est le gars qui a perdu à la courte paille et qui est puni. Faut le voir marcher la tête basse, les bras ballants le long du corps, il porterait une croix, ça serait pareil.

On dort chez l’habitant. Il t’a montré ta cellule de prison et puis il s’est enfermé dans la sienne. Il doit avoir 22 ans, tu sens que guide, c’est pas passion et en plus il a l’air mal à l’aise. Tu sens le plan foireux arriver.
Ils ont des façades de maisons particulières. Très peu de fenêtres mais à l’étage une porte qui donne sur un balcon de 30 cm de profondeur.

Dans toute la région, c’est une semaine de fête. 20h, branle bas le combat. Tous les enfants sont dans la rue en tenant des lampions multicolores en forme d’étoile, d’avion, d’oiseau… Et tout le monde défile. Il y a même une fanfare, il manque juste le chef des majorettes de Bernay. Une fois le tour du village effectué, direction le terrain de sport, en fait la place la plus grande du village où tout le monde s’installe sur des gradins. T’as de mecs au micro qu’essayent de raconter leur vie mais la fanfare en a rien à foutre, elle continue son show. Au bout de 20 minutes de bordel, tout rentre en ordre, on a le droit à l’hymne national puis tu réalises qu’en fait c’est la kermesse. Chaque classe d’enfants danse. Les gamins sont en t-shirt, toi t’as 3 couches et tu te pèles. T’as plié les gaules avant la fin.

5h du matin, ça pète de partout, guerre civile ?
Non et en plus tu entends la fanfare. Putain, les gars, il fait encore nuit. T’as une dizaine de personnes qui dansent au son de la fanfare qui connaît que deux morceaux. Et vos pétards, ils sont homologués? Ils font quasiment trembler les murs.
Tu te recouches, le son de la fanfare s’atténue au fur et à mesure, ils ont du aller dans un autre coin du village.
6h, rebelote ! C’est comme avec le maestro, toutes les heures y a un truc ?
7h, petit dej, la dame te demande si tu veux une truite, un steak.. Euh non merci, un bout de pain avec du fromage, ça sera parfait.
Comme tu le sentais venir, Ricardo te dit que la voiture va venir pour nous amener au départ du trek mais que l’autre personne ne vient plus. Il devait le savoir depuis le début d’où sa gêne. On appelle l’agence, tu peux annuler mais il te rembourse 1/3 du prix alors que t’as passé qu’une journée, les enculés. Ouais, là t’es énervé car ils t’ont vraiment pris pour un con. Suis certain que l’autre personne n’existait même pas d’où le fait de te faire croire qu’elle ne commençait pas le premier jour avec toi, comme ça une fois que t’es parti. C’est stupide de retourner en ville, t’as pas vraiment trop le choix mais 3 jours avec un gars qui parle pas un mot et qui mange même pas à ta table. Tu dis au revoir à la fanfare qui sévi encore et tu pars avec la bagnole. Bizarrement on repart en direction du site avec les sarcophages. Après 30 minutes de bagnole, Ricardo dit au chauffeur que c’est pas la bonne route.. Déjà que t’es énervé mais si en plus les mecs sont à la ramasse.
A un moment Ricardo te demande de regarder sur ton GPS si c’est ici qu’on lâche la bagnole pour commencer la marche…Oh putain, il est déjà venu ?
L’intérêt de cette première partie du trek est de rejoindre la vallée Huaylla Belen. Elle est très photogénique, elle doit faire 500m de large, toutes les collines autour sont couvertes de broussailles vert foncé alors que toute la vallée n’est que de l’herbe à vaches, vert très clair. Ajouter en plus une petite rivière qui serpente (serpente plus que ça, c’est pas possible) dans toute la vallée, sur photos c’est très beau. Sur photos, tu vois pas le côté marécageux qui est un peu moins sympa quand tu marches dedans.


On a du passer 2h à marcher le long de la rivière sous le regard étonné des vaches.
Ricardo a du sortir 3 phrases. Le gus s’arrête pour ramasser des mûres mais même pas il te dit qu’il y en a.

Ensuite il s’agit de prendre le chemin de Vilaya. Il est 12h30 et le panneau indique 6h de marche pour rejoindre le hameau où tu vas dormir à Congon. En gros on va arriver dans la nuit.
En cours de chemin tu peux aller voir des constructions de l’époque des chachapoyas. La montagne est remplie de ses murs arrondis.
Tiens, Ricardo s’arrête de marcher puis repart et fais un bond de côté. Hé, ho, toi le guide tu peux me dire ce qui se passe ? Ah, y avait un serpent. Et tu pourrais peut-être me prévenir au cas où. S’il y a un précipice, tu me le dis avant ou après que je sois tombé dedans ?
Tiens, il s’arrête à nouveau et ce coup-ci il te le dit pour le serpent.
Ce n’est que de la descente casse pattes pour rejoindre Congon. On est arrivé à 15h30, le jeune Ricardo est allé se coucher, le vieux Ricardo est assis sur un semblant de banc à se dorer au soleil. Oui 1/2 journée entière de beau soleil. Plus que 2 jours avec ce moulin à paroles de guide. Côté cuisine, les cuys sont en train d’attendre leur tour. Mais t’y auras pas le droit, juste des pâtes avec un bout de thon en boîte.

C’est la journée qui doit faire mal. 19km avec 1700m de dénivelé positif pour atteindre un col à plus de 3400m et ensuite 700m de dénivelé négatif.
5h de montée sans fin dans des montagnes où tu vois quasiment jamais les paysages avec un guide qui doit pleurer intérieurement et qui t’as pas sorti 3 mots. Côté plante verte, t’as de tout, du bambou, des fougères, des trucs avec des épines qui t’arrachent la peau. Je te foutrai un coup de napalm sur tout ça histoire de dégager la vue.

Arrivé au col, t’es sur les genoux. En 5h de montée on a fait une pause de 15 minutes. Le Ricardo te dit qu’il faut manger rapidement pour éviter la pluie. Euh, les nuages ce sont les mêmes depuis ce matin, non ?1h30 plus tard on a rejoint la route où on doit prendre un transport. Il est même pas 15h. A quelle heure est le transport ? Entre 16h et 17h. Ah super on a bien fait de se dépêcher.
Ricardo a disparu sans prévenir. Bon, ok. Il revient 15 minutes plus tard avec une bouteille. 1h avant tu lui avais demandé s’il y aurait un magasin quand on aurait rejoint la route et il t’avait dit que oui.
Ce connard, car faut dire ce qui est, y est allé sans te prévenir. Toute la bouffe que t’as apporté, genre biscuit, tu lui en proposes. Lui les trucs qui sont fournis par l’agence pour nous deux, il se les bouffe en douce. ‘Amazon expédition’, rappelez vous du nom de l’agence.
Dernière nuit au village de Kuelap, juste à côté de la forteresse. Tu dois partager la chambre avec lui. A peine arrivé il se couche et ronfle. Putain, il parle pas mais il ronfle, la totale.
Comme t’as dormi dans le village juste à côté de la forteresse, t’es le seul sur le site le matin. Kuelap est une forteresse à la base chachapoyas puis Inca quand ils sont venus mettre leur grain de sel. T’as un premier mur de défense de 20m de haut. Tu rentres par un chemin étroit dans la forteresse. Toutes les habitations (ce qui en reste) sont de forme arrondie sauf les rajouts incas qui eux plus rigoureux font dans le rectangulaire. Tu dois marcher sur des pontons de bois et suivre le seul chemin autorisé pour déambuler dans la forteresse. En fait, c’est plus un village fortifié qu’une forteresse. Si t’étais une pointure militaire, une ligne sur le mur de ta maison représentait les yeux du jaguar, t’étais un médecin, c’était le serpent. C’est étonnant comme depuis très longtemps le serpent est associé à la médecine. La forteresse était réservée de toute façon qu’au gratin chachapoyas.

Il reste une maison en assez bon état et tu peux voir le puit central où il conservait le grain et plus marrant, un délimitation avec des pierres où il conservait les cuys. Et histoire de rajouter une petite touche animal, t’as 3 lamas qui trainassent.
Sur les photos, t’as essayé de pas rater les nuages en arrière plan.
Alors pour ceux qui aiment les pierres, une fois arrivé au pied de la montagne,  vous avez 3 possibilités pour rejoindre la forteresse qui est à 1200m d’altitude au dessus de vous :
– tu te dis, c’est un site exceptionnel qui doit se mériter et tu te tapes les 9 km de montée, et ça monte !
– tu te dis, 6 mois à faire du gras et picoler des bières, il est temps de se bouger les fesses et tu te tapes la montée
– tu te dis, ils sont vraiment cons les deux autres gars, tu prends le téléphérique et tu picoles des bières en les attendant.

Toi, t’es redescendu par le chemin, t’as croisé personne qui avait choisi l’option 1 ou 2.
Arrivée en bas sur la route il est temps de rentrer en ville. Plusieurs taxis et collectivos qui passent nous font signe mais non, on les dédaigne. Au bout de 15 minutes tu demandes à la grande muette ce qu’on attend. Une voiture en particulier, un carrosse peut-être ? Pas compris la réponse mais du coup on est monté dans le taxi suivant.

Cerise sur le gâteau, le premier jour t’avais laissé au chauffeur de l’agence des trucs pour qu’il les ramène à l’agence et les laisse sur ton sac. A ton retour, 4 jours plus tard, rien. Finalement, après avoir insisté, les gars contactent le chauffeur qui dit que c’est pas vrai.
Bon, ben y a plus qu’à les pourrir sur internet

Ricardo, hater sur internet

Alors en vrac, la gendarmette, le tetris péruvien, quand un menuisier a oublié de se mettre d’accord avec le plombier, une future garagiste, un monochrome.