Tu pensais faire une bonne grasse mat avant de retourner à la civilisation mais à 3h du matin t’es réveillé par d’énormes coups de tonnerre. Merde, il pleut et ça risque d’être sport pour rouler sur la piste.
Du coup, 6h15, t’es dans la bagnole. T’as pas fait 100m que l’anti patinage /dérapage se déclenche. Tu vas voir les roues, elle ont 3 cm de couche de boue collante. Oula, ça pue. T’hésites à continuer. Toi t’as un suv. Tu vois une autre bagnole, une Fiat modus qui s’engage, si lui y arrive. Bon, ben tu va essayer aussi.
T’as des portions, c’est que de la boue. La voiture part dans tous les sens même en roulant à 30 km/h grand max. Le mec devant fait un tête à queue tout en douceur. Tu passes devant. 15km/h, tu croises une sorte de berline, le mec est inquiet pour la suite. Si lui arrives par où tu vas, tu devrais y arriver. T’es confiant, plus ou moins…
Mais il continue à pleuvoir. Plusieurs fois t’es quasiment à l’arrêt mais tu t’en sors in extremis au ralenti en patinant grave. C’est de plus en plus boueux. Et à un moment, l’erreur, t’as pas voulu rester sur les traces qui étaient très profondes et tu t’es embourbé sur le côté. C’est la merde. S’il s’arrête pas de pleuvoir pour sécher le terrain, tu repars jamais. T’as vu passer 2 bagnoles qui se sont pas arrêtées. Si elles s’arrêtent elles repartent pas de toute façon.
T’as 1 pomme, 2 biscuits et plus qu’1 litre de flotte et aucune connexion téléphonique. Gérard ? Tu viens te venger jusqu’au Brésil ?
Avec tes mains, t’as essayé de dégager la boue autour de roues, c’est par kilo que t’en enlèves. T’es arrivé à te déplacer de moins d’un mètre mais t’arrives pas à revenir sur la piste..
Des 4×4 arrivent en face et ils semblent galérer. Donc si t’arrives à te sortir de ce premier merdier, jamais tu pourras continuer en l’état et impossible de faire demi tour. Tu fais signe aux bagnoles que tu as besoin d’eau. Ils te jettent des petites bouteilles sans s’arrêter et te disent en passant que plus loin il faut un 4×4, oh putain!
Un seul gars s’est arrêté avec son 4×4 pour te filer de la flotte et souhaiter la bienvenue au Pantanal. La seule chose à faire, attendre que le soleil sèche la piste. Mouais, vu le temps gris t’es pas dans la merde.
T’es parti à 6h30, il est 10h et t’as pas fait 10 bornes. T’es toujours coincé. Tu dégages les roues de la boue, tu mets des branchages devant les roues. Façon t’as rien d’autre à foutre. T’essayes à nouveau, petite marche arrière, puis tu repars en tournant le volant à droite à gauche. Super t’as fait 50 cm et ça patine à nouveau. Le moteur chauffe.

2 gros 4×4 arrivent, des américains. Ils vont pousser pour t’aider à revenir sur la piste mais 5 mètres plus loin les roues sont entourées de boue et c’est l’arrêt à nouveau
Les américains t’ont laissé des biscuits et quand tu vois passer d’autres bagnoles, tu récupères de la flotte. Finalement t’arrives à repartir mais 6 km plus loin tu patines à nouveau. En plus il se remet à pleuvoir, ça va pas arranger tes affaires. En tout cas, t’as de l’occupation, dégager les roues, couper des branchages…  Le truc le plus inquiétant est que ça te bouffe l’essence à toute vitesse. T’as consommé quasiment 25% du réservoir pour faire à peine 30 bornes. T’en as marre de changer de pompes pour descendre désembourber la bagnole, résultat t’es couvert de boue et t’en as foutu partout dans la bagnole. Et elle colle grave cette saloperie. 
13h, 37 bornes pour l’instant sur les 150 km. Le seul truc qui peut te sortir du merdier est le soleil mais que dal. Tu repars, ça patine, le moteur chauffe. Ça sent le Ricardo qui va pioncer dans la bagnole au milieu de nulle part.
Ça se complique, ouais c’était trop simple. Il y a plein de petits ponts en bois pour passer au dessus de mare ou marécage. Certains, en mauvais état, ont une petit passage de contournement que t’avais pris à l’aller. Sauf que là c’est impossible sinon c’est l’embourbage définitif. Et certains ponts ont plus de trous que de planches. Tu te souviens de 3 en particulier où à l’aller, t’avais fait marche arrière pour le contourner, trop dangereux. T’es face au premier pont pourrave, t’as crié de joie quand tu l’as passé. Ensuite t’étais moins joyasse quand tu t’es embourbé à nouveau. Et vas y qu’il faut ressortir et passer 10 minutes à faire de l’espace entre les pneus et la carrosserie. Ouais, alors s’il y a un jaguar qui se pointe, tu lui feras pousser la bagnole, qu’il se serve enfin tous ses muscles.
Franchement, t’as dû être planté presque 10 fois sans compter celles où tu t’arrêtais sur une partie moins boueuse pour nettoyer les roues avant de repartir.
2ème petit pont qui craint. Des bagnoles sont arrêtées et les conducteurs réfléchissent comment passer. Un pickup s’engage et envoi valdinguer les planches. Maintenant, ça passe plus. Avec un néerlandais qui roule en duster et qui passe la boue sans problème, on remet les planches comme on peut et on s’aide à ne pas finir dans un des trous. Ça passe mais ça a été limite pour toi selon lui.
On repart, le bougre passe les phases de boue sans problème, pas toi. Et vas y que t’es reparti avec tes mains dans la boue pour désembourber. Après 3 pauses non prévus, t’arrives au dernier pont dangereux mais personne pour te guider. Il craint vraiment sur le passage de contournement, t’as une camionnette de touriste plantée. Le chauffeur a pas voulu prendre de risques en passant par le pont. Par contre il a récupéré des planches du pont pour essayer de se sortir de son merdier. Super, déjà qu’il y en avait pas des tonnes.
T’as crié de soulagement quand t’as rejoint l’autre côté. La piste devient enfin légèrement moins boueuse. T’es obligé d’essayer de rouler vite, sinon t’es embourbé, résultat, ça chasse grave du cul. T’as l’impression que la piste est un poil meilleur et les ponts aussi. Il reste encore 70 bornes. Dans tes souvenirs, il reste 3 coins qui peuvent te planter. Il y a 3 ponts en construction et tu dois les contourner par une piste. Ça passe sans trop de problème sur les 2 premiers. T’es confiant. Merde. Sur le dernier, le passage est en pente et puis remonte pour rejoindre la piste principale. Sauf qu’au milieu il y a une mare boueuse. Putain, ils ont fait comment pour passer les autres, en tapis volant. Bon, première chose, enlever toute la boue qui bloque les roues
Il te faut un bâton pour enlever la boue. Tu t’écartes de 10m, tu tombes sur un caïman mort. Ah, Ouais, faut en plus surveiller qu’il y en ai pas un qui cherche à te bouffer en plus. Tu mets bien 10 minutes à nettoyer les roues.
Pas prêt de l’oublier le Pantanal. T’hésites à tenter la traverser. Imagines que tu restes planté et que cette nuit il pleut et que le niveau de la marre monte. Allo ? Le loueur de bagnole. C’est, euh, pour vous dire qu’il y a un léger problème aquatique avec votre bagnole…
T’es en pleine réflexion existentielle quand un 4×4 arrive en face et passe son problème. Tu l’arrêtes. Il t’explique que même avec ton veau ça devrait passer. Et sympa les gars attendent de voir si tu passes avant de repartir.
Ensuite les 70 bornes qui restent sont plus facile en comparaison.
Oh non, c’est quoi encore au milieu de la route. Une sorte de biche locale. Ah non, tu vas en plus enquiller une bestiole. Gérard, ça suffit maintenant les enmerdes!
T’es enfin arrivé à la ville de Poconé juste avant la nuit. Vous imaginez pas le soulagement. T’amènes la bagnole à une station essence pour la faire laver. Quand le mec voit l’extérieur et l’intérieur de la bagnole, il appelle ses potes tellement il le croit pas. Même au jet haute pression il a du mal à la rendre présentable. Pour l’intérieur, il veut pas s’en occuper, étonnant!
Et bien vous savez quoi, tu viens de finir cette dernière partie du post à une terrasse en buvant une bière bien fraîche. Il y a juste 6h, jamais t’aurais cru ça possible.

Mud day Ricardo