On est parti le 26 à minuit. T’as le droit à une minuscule couchette dans une minuscule cabine que tu partages (la cabine, pas la couchette) avec Magda la béat (vous comprendrez plus tard). Toute la nuit on remonte au moteur le canal de Beagle. C’est cool tu seras le premier à entendre s’il y a une panne moteur…

Le lendemain t’es de corvée de bouffe et rangement. T’es en duo et ça tourne chaque jour. Et les jours où t’es pas de corvée, t’as des quarts de 4h. Et ouais, c’est pas exactement des vacances.

A peine sorti du canal de Beagle, la mer est beaucoup moins sympathique. Résultat, t’as passé ta journée couché dans ta couchette, nauséeux au possible. L’avantage d’être mourant est que t’as pas eu la bouffe ni la plonge à faire.

Quasiment pas dormi de la nuit, c’est pas la forme. Impossible d’avaler qqchose. Tu comprends mieux maintenant pourquoi l’alcool n’est pas indispensable…

Yorek, le mécano, porte un patch derrière l’oreille, soit disant pour ne pas avoir le mal de mer. Ça marche vachement bien, il est resté couché 1.5 jour. Une autre n’est pas sortie de sa couchette pendant 3 jours.

28 décembre – En attente des derniers sacrements

Ca va pas beaucoup mieux… Vautré sur ta couchette, tu te demandes ce que t’es encore venu faire ici. En plus t’avais cru que la traversée du passage de Drake prenait 4 jours mais non ça va jusqu’à 5,5 jours. Coma dans la couchette….

Lors de tes quarts, tu es sensé tenir la barre. Ahah la bonne blague, t’es là, à moitié mourant, assis sur le pont à regarder planer les albatros. Ils sont impressionnants ces plumatifs, des vraies fusées. Ils ne font que planer à toute vitesse à moins d’un mètre des vagues. Apparemment ils ont 2 cerveaux et pendant que l’un dort l’autre bosse donc ils ne se posent quasiment jamais en mer même pour soir. Merci Beaudelaire.

La mer s’est levée, les vagues sont énormes, le capitaine a repris la main sur la barre. Toi t’es secoué dans tous les sens dans ta couchette.

29 décembre – Que d’eau, que d’eau

Tu commences à reprendre vie et à manger. La mer est toujours aussi forte. T’avais un quart de 2 à 6h du matin, on t’a dit que c’était pas la peine de te pointer, tu serviras à rien….. Ça tombe bien, t’étais pas super motivé !!

Pour ceux qui s’y connaissent, le bateau fait du 11 nœuds.

Ah oui, côté paysage ? De l’eau, de l’eau….

30 décembre – La naissance d’un futur amiral 

La mer s’est calmée et tu te sens enfin beaucoup mieux. Et donc tu te retrouves à la barre du bateau. Pour des raisons de sécurité, tout le monde, dès qu’il barre, doit porter un harnais attaché au mat.. Le capitaine veut pas perdre un matelot surtout son bizut… On t’explique comment tenir le cap et ensuite démerdes toi. Le co-skipper est resté avec toi pendant ton heure de pilotage. Barré un bateau de 20m dans le passage de Drake, appelez moi captain Ricardo ! Bon, on faisait du 5-6 nœuds, y a pas non plus de quoi se la péter…

Les paysages? Ben ouais toujours de l’eau ?

Les polonais ? Entre ceux qui sont mourants et ceux qui dorment car ils ont tenu la barre une grande partie de la nuit, il reste peu de monde mais ils sont très sympas. Le plus chiant, c’est quand au repas il y a du monde, ça cause surtout polonais même s’ils font des efforts pour parler anglais par moment.

Alors, forcément passer de 10h allongé mourant dans ta couchette à se retrouver debout l’air marin dans la tronche, ça fait du bien.

L’après-midi t’es à nouveau de quart et on t’annonce que le capitaine a décidé que t’avait plus besoin de qqun à côté de toi. Waouh, qu’elle progression fulgurante. C’est pas capitaine mais amiral Ricardo ! Mouais, ils ont laissé le jeune de 17 ans barré sur une mer bien plus dégueulasse.

Enfin le 31 à midi – Terre

On est en Antarctique. Et dire qu’il faudra se taper le retour…

Des rivages montagneux enneigés apparaissent par moments à travers la brume. Nous arrivons dans la baie de Dallman..

Ricardo, marin d’eau douce mais futur amiral…